C'était un peuple terriblement zélé. Ils abattaient des arbres et chassaient des animaux même s'ils n'en avaient pas le besoin. Ils avaient développé des techniques pour conserver la nourriture qu'ils ne pouvaient manger et pour gagner plus d'argent qu'ils ne pouvaient en dépenser. Malgré tout, il ne s'en trouvait pas un seul pour contester ces pratiques, car aucun d'entre eux ne connaissait d'autres coutumes.

C'était un peuple terriblement studieux. Leur connaissance de l'arithmétique et des sciences dépassait toute prétention de pragmatisme et ils débattaient très souvent des prédictions quant à leur avenir. Ils avaient inventé un langage de plus en plus compliqué et crée une multitude de machines complexes qu'ils abandonnaient très vite. Mais pas un seul d'entre eux ne pensait à remettre cela en question, car ils n'avaient encore trouvé aucune raison de s'inquiéter.

C'était un peuple terriblement docile. Sans qu'on le leur ait demandé, ils accueillaient tous le soleil levant à la même heure, portant les mêmes vêtements et travaillant dans les mêmes pièces exigües. Pourtant, aucun d'entre eux ne s'en plaignait, car personne ne savait ce qu'ils auraient pu faire d'autre.

Ayant trop travaillé, ce peuple avait fini par perdre ses forêts et vivre au milieu des sables. Étant devenu trop intelligent, ce peuple conversait dans une langue que nul autre ne pouvait comprendre. Étant devenu trop discipliné, ce peuple était incapable de transgresser les règles et avait fini par vivre sous le poids de dizaines de milliers de lois.