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Chapitre 7

Posté : 27 mars 2013, 10:29
par Nashira
A l'époque, quand j'avais atteints la première fin du jeu et commençais à compléter les chapitres annexes, je compensais le malêtre que donnaient les musiques du jeu en écoutant un CD du Festival Roblès.... Hem... ça a pas duré longtemps....

Chapitre 7
Sombre Léonard

Léonard à échappé à la mort en passant un pacte avec un sylphe. Peu à peu, il reprend goût à l’existence. Il s’est rangé du côté de l’Union et est bien déterminé à user de toutes ses forces pour combattre l’Empire. C’est pour cela qu’il décide de suivre Caim dans sa quête. Mais et si l’enfer, c’était vivre ?
Caim le muet se montrait froid et distant avec lui. Les plaisanteries malsaines du sylphe n’étaient pas pour qu’il puisse en rire. La mort était sans nul doute infiniment plus douce que d’avoir à partager son âme avec un tel partenaire de pacte. Cependant son pacte avait l’air de lui avoir en contrepartie prodigué une faculté exclusive : il ne parvenait toujours pas à s’expliquer comment à travers sa cécité il avait put voir la forêt du sceau investie par l’Empire.
Assi sur le dos du dragon, juste derrière Caim, Léonard sentait ses deux alliers particulièrement soucieux du sort du sceau dans la forêt. Et il y avait de quoi ; si la sœur de Caim était la déesse, elle était celle qui incarnait l’ultime sceau protecteur de ce monde.
Une petite voix piaula dans l’oreille de l’aveugle :
− Alors tu ne sais plus où tu en es, Léonard ? Tu réfléchis beaucoup pour ne rien penser, je trouve ! Haha ! C’est que c’est pénible de partager son intellect avec une tête creuse !
Léonard s’efforçait à rester de marbre devant les quolibets du sylphe, au plus grand agacement de Caim. L’envie le démangeait d’écraser cette petite fée tel on éclate un moustique entre ses doigts, car entendre continuellement sa voix perçante lui était intolérable.
« Je t’avais dit que ces êtres étaient haïssables. » dit le dragon. « La fleur épineuse renferme le poison dans sa sève »
Le soleil avait commencé à décliner mais était encore bien haut dans le ciel. La forêt en dessous d’eux était verte et luxuriante. Mais à l’horizon montait des brouillards de fumée noire. Les visions de Léonard s’avéraient vraies : la forêt était en flammes.
− Ah ! s’écria le sylphe, les humains ne savent que détruire ! Ils doivent payer pour ce qu’ils ont fait à notre forêt !
Des cris de rapaces retentirent. Le dragon maugréa :
− Même les griffons ont rejoint l’Empire. Si les garnisons sont composées de monstres, il ne vous faudra pas que du courage... Allons-y !
Il vira en chute libre. Léonard se cramponna à Caim sous la violence du mouvement. Le cri des griffons avait le don de paralyser quiconque l’entendait. Mais le dragon se moquait bien des pouvoirs risibles de ces monstres :
− Maudits vautours ! Comment pouvez-vous espérer vaincre un dragon ?
Des flammes jaillirent de sa gueule et roussirent les ailes d’une des créatures. Le griffon chuta dans le brasier de la forêt en-dessous d’eux. D’autres des ses semblables les assaillirent en vociférant vengeance. Le dragon répondit d’un rugissement sauvage et esquiva les radiations de leurs cris avec souplesse. Les mouvements des griffons étaient vifs, mais les flammes du dragon finissaient toujours par les atteindre. Malgré son aversion à partager sa vengeance avec le dragon, Caim trouvait les sensations de ces combats aériens effroyablement excitantes.
D’autres griffons lancèrent un nouvel assaut. Le dragon les terrassa sans anicroche. Les rescapés de la nuée s’enfuirent en croassant rageusement. Caim aurait voulu les pourchasser afin qu’il n’en reste plus un seul, mais le dragon les laissa s’enfuir.
« Mieux vaut mourir que de guerroyer. Et mieux vaut ne pas naître du tout »
Ils se posèrent là où les arbres n’étaient pas trop serrés, au centre du grand incendie. Caim n’aida pas Léonard à descendre du dos du dragon. L’aveugle posa pied à terre avec une certaine crainte mais sans difficulté. Maintenant que son pacte le confrontait à croupir à jamais dans les ténèbres, il découvrait son ouïe étonnamment aiguisée. Le moindre chuintement ou le plus infime frisson, il le percevait. Le crépitement des flammes était si ardent qu’il semblait lui brûler les tympans. Mais ce n’était que vanité en comparaison des cris que poussait son partenaire de pacte dont les poumons minuscules s’avéraient d’une puissance virulente :
− Argh ! Notre forêt ! Brûlée ! Incendiée ! Incendiée à cause d’humains inutiles ! Je hais ces créatures puantes !
− Nous devons faire quelque chose ! tonna Léonard d’une voix agitée.
Le sylphe tourbillonnait autour de lui en faisant fuser sa lumière éblouissante :
− A oui ? dit-il de sa voix acide, et bien vas-y, rends-toi utile ! Idiot, tu es idiot ! Comme tous les humains le sont ! C’est pour ça que... !
Il se tut subitement en scrutant l’épaisse fumée, mais ne tarda pas à reprendre ses airs sarcastiques :
− Tiens, regarde donc derrière les arbres... Ceux qui se cachent n’ont pas l’air de se porter trop mal ! Regarde !
Il se mit à tourbillonner en tous sens en criant, ce qui avait pour effet de désarçonner Léonard.
− Regarde donc Léonard, derrière les arbres ! Ici ! Ou encore là ! Là-bas ! Et aussi là ! Derrière les arbres ! Regarde plus près si tu ne vois pas ! Qu’est-ce qui t’arrive ? Il fait trop noir ? Là ! Ici ! Et là !
Léonard perdit l’équilibre. Plus que jamais, l’homme regrettait ce pacte maudit. Le sylphe se délectait de ce spectacle, et il ne le cachait pas :
− Oh ! Ça sent pas bon, hein ? Mais c’est que tu trembles ! T’as pas peur, quand même ? C’est vrai que c’est dangereux ! Prends garde à toi, Léonard ! Que vas-tu faire ? Que vas-tu faire ?
Le dragon tendit le cou pour observer les formes nébuleuses à travers les rideaux de fumée noire. Sa voix se fit des plus narquoises.
− Juste des jeunes conscrits...
Caim et Léonard se raidirent de stupéfaction. Caim jeta à son tour un oeil perplexe. Le sylphe explosa de rire :
− Exactement ! tonna-t-il avec un rire vipérin. Des enfants qui sortent tout juste de la caserne ! Etripés comme des porcs !
− Alors ce sont des enfants qui ont mit le feu à la forêt ? s’offusqua Léonard. C’est impossible ! Des enfants ne peuvent commettre une telle atrocité ! Pourquoi auraient-ils fait cela ?
Le dragon lui répondit :
− Parce qu’ils appartiennent à l’Empire… Leurs yeux rougeoient. Mais maintenant que nous sommes là, ils vont tous mourir.
L’aveugle eut un mouvement de recul lorsqu’il sentit l’entreprise malsaine qui anima l’esprit de Caim. Le son d’une épée que l’on tire du fourreau chuinta à ses oreilles :
− Non, Caim ! s’indigna l’aveugle. Je t’en prie, ne fais pas ça ! Parle-leur ! Ils doivent déposer les armes ! Je suis sûr qu’ils n’ont pas envie de combattre...
Caim posa sur Léonard un regard de dédain :
− Un soldat reste un soldat, gronda le dragon, n’oublies pas qui sont tes ennemis !
− Écoute-les un peu au lieu de faire l’imbécile, ricana le sylphe. Ça te changera ! Tu crois peut-être que ces sales gosses sont de gentils petits chérubins ? Ils ne rateraient pas l’occasion te t’égorger, je gage ! Laisse-moi plutôt te montrer !
Il joignit ses mains en porte-voix et appela les soldats impériaux de toutes ses forces. Les enfants crièrent en s’élançant sur eux. Caim et le dragon s’engagèrent dans la mêlée :
− Tue-les ! hurlait le sylphe en agitant son poing. Tue-les, tue-les ! Exactement comme des moutons à l’abattoir ! Je trouve que notre ami sait y faire avec les enfants, tu ne penses pas, Léonard ?
Pas de réponse. Était-ce la peur ou la colère qui provoquait les tremblements de Léonard ?
− Tous ces soldats sont de jeunes recrues, murmura-t-il tête baissée. Il est si cruel...
Tâtonnant le sol à l’aide de son bâton, il s’avança jusqu’à heurter les premiers cadavres sur le sol. Au-dessus de sa tête le sylphe virevoltait joyeusement :
− Hé, qu’est-ce qu’on fait des corps ? Dis, si on les mutilait ?
− Je vais les enterrer.
Le sylphe rit si fort qu’il manqua de s’étrangler :
− Tu as bien du temps à perdre ! Ou as-tu quelque chose à te reprocher, peut-être !?
Un corps remua faiblement près d’eux.
− Pitié, aidez-moi... J’ai si peur...
Léonard se redressa et tâta à la recherche de l’enfant qui venait de l’appeler.
− Calme-toi... tout est fini...
− Oh, quelle compassion pour tes ennemis... on se dégonfle ? grailla le sylphe.
− Mais il ressemble tellement à mes frères, se lamenta Léonard, plein de tristesse. La même voix...
L’épée sanguinolente, Caim revenait du massacre.
− Léonard, que fais-tu ? questionna le dragon.
L’aveugle se redressa devant lui :
− Ce n’est qu’un enfant ! protesta-t-il. Ils sont si faibles, et toi tu les tues sans émotions ! Ton coeur est de glace !
Caim le regarda et un sourire ironique joua sur ses lèvres. Léonard sentait bien que Caim était étranger à toute forme de pitié. Sa cruauté l’accablait tant, qu’il ne sentait pas que derrière lui, l’enfant-soldat se redressait, les yeux exorbités par un feu dément :
− Imbécile ! râla-t-il en brandissant son épée.
− Oui ! rit la fée, un imbécile ! Le roi des imbéciles !
Caim projeta Léonard sur le côté à l’aide d’un violent coup d’épaule et acheva l’ennemi avant qu’il ne puisse comprendre sa propre mort. On entendit ensuite plus que les gémissements terrifiés de Léonard sur le sol. Sa dangereuse pitié avait bien faillit lui coûter la vie. Il n’osa pas parler.
− Caim, n’oublions pas le Sceau, dit le dragon. C’est pour lui que nous sommes ici. Il est tout près, je sens sa force. Par ici.
Caim emboita le pas à la créature. Le cœur de Léonard battait à tout rompre. Il ne savait plus réellement quoi penser ni même éprouver. Caim était un assassin. Mais il n’en était pas moins son sauveur. Il se redressa.
− Comment a-t-il pu ? rumina-t-il. J’ai vraiment été ridicule... La guerre transforme tous ces hommes en monstres...
− Tu es toujours le même, rit le sylphe. Tu n’apprends jamais ! N’as-tu donc aucun désir de survivre ?
Léonard hocha la tête :
− Et si dans cette folie seul le pêcheur pouvait survivre ?
− Et si tu te décidais à suivre nos chers amis au lieu de t’apitoyer sur ton misérable sort ? Ils seront arrivés au sceau avant nous !
Il ramassa son bâton et se mit en marche. Le sylphe le suivit en exécutant des acrobaties aériennes autour de sa tête :
− Tes frères ne peuvent plus voler comme ça, hein ?
− Pense ce que tu veux, je n’ai plus d’honneur.
Elle rit :
− Quel comédien ! Il joue les âmes pures alors que la perversion l’étouffe ! Es-tu en train d’insinuer que tu possédais un honneur dans le passé ? Les hommes sont sans honneur, c’est pourquoi ils sont sans cesse en quête d’une gloire illusoire ! Mais c’est perdu d’avance, quand on est de la vermine, on reste de la vermine !
− C’est bien ici, dit le dragon. Voici enfin le sceau de la forêt. Il est encore intact...
Caim se tenait face à une construction de pierre, semblable à un piédestal géant. Des quatre côtés de l’édifice descendait une pente raide permettant d’accéder à la plate-forme au sommet. Quatre colonnes se dressaient tout autour.
Caim était curieux de voir à quoi pouvait bien ressembler le sceau de la forêt. Alors qu’il y grimpait, une voix acide retentit :
− Si j’étais vous, je ne ferais pas un pas de plus, pauvres crétins !
Léonard marchait vers eux, le sylphe voletant à ses côtés :
− Heureusement que nous sommes venus à temps, vous alliez souiller le sceau du temple en le foulant de vos pieds puants ! Humain irrespectueux !
Léonard se jeta à genoux devant Caim :
− Je t’en prie, Caim, pardonne mon erreur ! bredouilla-t-il.
− Pourquoi cette soudaine pitié ? dit le dragon.
Le corps tout entier de Léonard fut parcouru de tremblements, de même que sa voix :
− C’est juste que...
− Il ne dira rien ! couina le sylphe. La vérité ne sortira pas de sa bouche ! C’est un secret !
Caim sonda le visage du sylphe avec dégout, et Léonard s’écrasa davantage sur le sol.
− Si seulement j’étais mort, moi aussi..., geignit-il.
− Dis seulement que tu n’as pas osé t’éliminer ! corrigea le sylphe. C’était pourtant facile ! Mais maintenant, c’est trop tard ! Tu m’as fais une promesse, grand frère ! Je ne peux plus vivre sans toi. Un pacte. Nous avons fait un pacte. Ne l’oublie pas !
Caim se détourna des autres et gravit la pente de l’édifice du Sceau. Léonard le suivit étroitement. Le sylphe restait en retraite :
− Hé ! Descendez de là tout de suite, hurla-t-il avec fureur. Imbéciles ! Vous profanez le sceau !
Au sommet de l’édifice, des inscriptions formaient un cercle sur le sol. Les symboles irradiaient d’une lumière bleutée. Voilà donc à quoi ressemblait un des Sceaux protecteurs.
− Sortez immédiatement de ma forêt ! Profanateurs ! piaula une voix au-dessus de leur tête.
Une pâle lumière verte les éblouit. Caim se servit de sa main comme visière et entraperçu alors un petit être vieux et barbu, pas plus grand que la taille d’un doigt. Entre ses mains, il tenait un sceptre.
− Qui es-tu ? l’interpella le dragon.
− Peu importe mon nom, répliqua le vieux sylphe d’une voix aigrelette. J’exige que vous quittiez ma forêt sur-le-champ, créatures puantes ! Oh, désolé, reprit-il ensuite d’une voix radoucie, je suis tellement impoli... Mais enfin, en tant que roi, je dois dire ce qui doit être dis !
− Le roi des Sylphes ! maugréa le dragon.
Un sourire malveillant s’afficha sur les lèvres du vieux sylphe. Comme un vin qui fermente, la voix des créatures semblait s’enfieller avec l’âge…
− Des cadavres humains ne remplaceront jamais les arbres brûlés ! Les arbres sont l’ossature de la forêt !
− Vas donc menacer quelqu’un d’autre, nous n’avons pas le temps ! répondit le dragon de sa voix la plus froide.
Le monarque s’esclaffa. A l’instar de tous ses sujets, ce roi moqueur et médisant possédait une inclination toute particulière à la raillerie. Il se mit à décrire de longs cercles concentriques.
− Allons, allons, dit le sylphe. Des ‘’menaces’’, dis-tu ? Quelle paranoïa ! Vous, les nobles dragons, voyez le mal partout. Mais dis-moi...
Un horrible sourire tira toutes ses rides :
− Pourquoi t’abaisses-tu à fréquenter ces humains nauséabonds ? demanda-t-il en se retournant sur Caim et Léonard. Peut-être n’est-ce qu’un jeu, et tu t’amuses de leur stupidité ?
− Prends garde à toi ! fulmina le dragon.
A nouveau le roi ricana :
− Oh, quelle fougue ! Aurais-je touché un nerf sensible ? Le désert échauffe les esprits et fait pourrir les cadavres...
Léonard eut un haut-le-corps.
− Le désert ? Pourquoi parlez-vous du désert ?
− Oups ! rit le vieux sylphe, ça m’a échappé ! Ces prêtres hypocrites se font massacrer les uns après les autres. Vos amis ne sont plus en sécurité, maintenant ! Bien fait pour eux !
Le sang de Caim s’échauffa à l’entente de ces paroles : quelque chose de grave était arrivé au désert. Il n’y avait plus un instant à perdre, Furiae et Inuart étaient peut-être en danger.
− Caim ! Au désert ! ordonna le dragon en lui offrant son dos.
Ils s’élancèrent dans le ciel du crépuscule. Derrière eux criaillait encore la voix du vieux roi des Sylphes :
− Et pourquoi ne les laissez-vous pas tous crever ?! Dieux ! Je suis si désobligeant, parfois...