Chapitre 18

Drakengard 1 adapté en roman par Nashira
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Nashira
L'Œil Écarlate
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Chapitre 18

Message par Nashira »

Je subodore que Notre Reine était impatiente de voir à quoi allait ressembler le chapitre qui allait conter l'affrontement entre Caim et Inuart, me tromperais-je?
Quoi ? Je me trompe ? Heu... Bon, ben heu... hum ! En tout cas, le voici, le voilà ^^
PS : J'ai fait l'impasse sur les détails concernant la nouvelle forme du dragon tout à fait sciemment. Les révélations devront attendre encore un petit peu =)

Chapitre 18
Trahison

Pendant ce temps, Caim et ses compagnons avaient trouvé refuge dans les terres arides et gelées. Tant pis si ces terres étaient dangereuses et malveillantes, elles constituaient le seul endroit où l’Empire ne pourrait les trouver. Et cela suffisait à Caim. Ils avaient trouvé un fleuve au courant clair et avaient dressé leur nouveau campement entre ce serpent d’eau et la muraille d’une falaise grise. L’escouade de l’Union leur avait fournit tentes et vivres, de quoi tenir pendant plusieurs jours.
Mais les jours passaient vite, même si le temps paraissait fastidieux et accablant. Les vivres diminuaient peu à peu. L’aridité du milieu le rendait vierge et destitué de toute denrée. Il n’y avait même pas le moindre gibier à chasser... Tous se restreignaient. Caim cédait même ses repas à sa sœur.
Quand Caim sorti de sa tente un matin, ses yeux s’écarquillèrent. Le dragon n’était plus le même. Son corps et ses muscles avaient doublés de volume. Sa cuirasse était d’un pourpre plus profond. La coupe de ses ailes avait changée. Ses cornes couleur laiton pointaient maintenant vers l’arrière de son crâne. Ses yeux envoyaient des éclairs d’arrogance. Tandis que Caim fixa la créature avec le plus haut mépris, Verdelet avait levé sur elle un regard envieux :
− Ton dragon est devenu plus fort, dit-il dit à Caim d’une voix émue, toi aussi tu deviens plus fort, Caim !
Le jeune homme eut une grimace sinistre, et il se demanda par quel procédé maléfique le corps du dragon avait pu changer de la sorte. Cette chose sortait de l’enfer !
Ce même matin, Léonard déclara qu’il partait dans les gorges à la recherche de nourriture. Bien évidemment, cela avait provoqué l’hystérie de son sylphe ;
− Un aveugle à l’affut de gibier ? On aura littéralement tout vu ! Haha ! Oui, on aura tout vu !
Arioch s’était empressée de le suivre en trottinant, heureuse comme un chien qui accompagne son maître. Pour des raisons inconnues, l’elfe ne s’éloignait jamais trop de l’aveugle.
Caim, Verdelet et Furiae restèrent seuls au campement. Tous trois formaient une ronde silencieuse autour du feu. Le monde autour d’eux ressemblait à un univers de poussière. C’était un empire de pierre, froid, pétrifié dans le temps. Le sol était aussi gris que la cendre. Sec, il se fendillait quand on y marchait. Les énormes falaises qui les encerclaient étendaient leur ombre sur eux. A l’horizon se dessinaient par de grands monolithes qui semblaient avoir été sculptés par des mains de géant. Les courants d’air hurlaient dans les couloirs des falaises.
Furiae était recroquevillée sur elle-même. Elle tenait entre ses mains la harpe d’Inuart, et caressait de ses doigts blancs les fines cordes en boyaux de lynx. Elle grelottait. Mais le froid n’était pas l’unique cause de ses tremblements…
Le poids du sceau exacerbait les tourments de son âme. Cela faisait plusieurs nuits que ses rêves étaient perturbés de sombres visions. Mais elle préférait ne rien en dire, même lorsque Verdelet la questionnait. Elle avait trop peur de provoquer à nouveau la colère de Caim. Son frère voulait seulement la protéger. Elle savait très bien que lui aussi, était torturé. Elle le contempla d’un regard triste.
Caim avait vraiment tout du lion, pensait-elle. Comme le lion il respirait la noblesse, la force et la fierté… même lorsqu’il affichait cet air prostré et fatigué. Il était assis sur une pierre anguleuse, le poing serré sur le manche de son épée plantée dans le sol. Sa lame resplendissait sous l’éclat du jour. Ses yeux à demi clos brillaient d’une lueur incertaine sous les mèches indomptées de ses cheveux sombres. Ses yeux… Ils étaient d’un bleu plus sombre que les abysses des océans. Furiae s’y noyait, comme aspirée hors du temps et de l’espace. Son cœur se souleva brusquement lorsqu’elle réalisa qu’elle se faisait épier par deux prunelles jaunes. Elle s’empressa de braquer son regard sur le feu, les joues rosies. Pris entre le sommeil et l’éveil, Caim ne s’était rendu compte de rien.
La voix venimeuse du dragon battit dans ses veines :
« Caim. Peux-tu percevoir les sentiments de ta sœur ? Cette passion qui la hante… »
Caim redressa son visage avec traîne, regarda brièvement Furiae et s’en détourna aussitôt. Qu’était-il sensé percevoir ? Furiae n’affichait tout bonnement rien. Aucune expression. Un visage de marbre. Un bastion de silence.
« Léonard a raison. Ton cœur est de glace. »
Le feu s’éteignit. Caim jeta au dragon son plus haineux regard. Mais la créature l’ignora. Ses sens en alerte, elle se redressa et flaira l’air avec inquiétude.
− Cette odeur…, murmura-t-elle.
Caim sentit lui aussi quelque chose ; l’odeur du danger. Il se leva d’un bloc. Furiae et Verdelet l’imitèrent.
− Qu’y a-t-il ? souffla anxieusement Furiae.
Dans le ciel, une silhouette ailée se rapprochait sans se faire entendre.
− Un autre dragon ? s’interrogea Verdelet à voix haute.
Les craintes de l’évêque étaient fondées. L’ombre qui se rapprochait se faisait de plus en plus menaçante. Elle exhalait une aura singulière. La créature atterrit avec souplesse. Elle les fixa sans bouger, les ailes entrouvertes et le dos voûté. C’était un dragon noir. Son corps était svelte et squelettique. Ses écailles étaient d’un noir pénétrant et luisaient d’un reflet bleu métallique. Les membranes de ses ailes étaient à moitié translucides. Ses dents pointaient hors de sa gueule, effilées et tranchantes. Sa longue queue se terminait par un crochet qui imprimait de longues et profondes traînées sur le sol.
Verdelet avisa la créature bouche bée. Caim eut une sensation étrange et plissa les yeux. Un homme était assis sur le dos du dragon noir, aussi arrogant qu’un roi sur son trône. Son teint était pâle et ses cheveux roux flamboyaient. Son regard était froid et ardent tout à la fois.
− Inuart ! s’écria Furiae en accourant vers lui.
Caim s’interposa. Verdelet était lui aussi soupçonneux :
− Accompagné d’un dragon ? Alors toi aussi tu as passé un pacte ?
Inuart ne répondit rien. Il se laissa glisser du dos de son dragon et se reçu en soulevant sous ses pieds un nuage de poussière. Il tendit alors une main à Furiae en un geste théâtral :
− Furiae, fit-il, viens avec moi. Tu n’as plus rien à craindre. Le monde survivra sans toi, tu n’as aucune raison de te sacrifier.
Il se rapprocha. A chaque pas qu’il fit, Furiae recula. Caim se plaça entre eux, épée en garde. Cet Inuart n’était pas le virtuose qu’il connaissait. Jamais la voix de son ami n’aurait parlé sur un ton aussi froid…
− Il est possédé…, gronda le dragon.
Caim vit avec suspicion une lueur pourpre brasiller dans les prunelles d’Inuart. Que lui était-il donc arrivé ?
− Pourquoi me regardes-tu comme cela, Caim ? l’interpella Inuart d’une voix rauque. Ma faiblesse a disparue. Je suis fort, désormais !
Il y eut un silence. Caim avisa une marque sombre sur le cou du musicien, tel un épais collier. C’était la signature d’un pacte… un pacte passé avec un dragon… Caim grimaça.
− J’ai fait ce qu’il y a de juste, s’écria Inuart. J’ai échangé mon art du chant contre la puissance ! Pour toi, Furiae… pour te protéger.
− Les êtres justes ne pactisent pas avec les dragons de l’Empire ! accusa le dragon rouge.
Inuart sourit. On lisait une expression d’adoration dans ses yeux pourpres. Furiae demeurait atone, sans oser ni bouger ni parler. Ses mains agrippaient toujours la harpe. Caim restait dressé entre elle et Inuart. Le jeune homme aux yeux rouges le fixa avec hargne :
− Qu’y a-t-il, Caim ? invectiva-t-il. Tu me méprises, c’est sûr… Je vois le dédain brûler dans tes yeux.
Il le mit à l’index et cracha comme le serpent crache son venin :
− Tu es près à sacrifier ta propre sœur pour accomplir ta vengeance !
Il tira son épée et la pointa sur Caim.
Le muet eut un rictus. Alors quoi ? Inuart le provoquait en duel ? Ha ! Son pacte semblait l’avoir rendu bien téméraire ! Qu'est-ce qu'Inuart pouvait bien espérer pouvoir faire contre lui ? Le vaincre ? Le maîtriser ? Le surprendre, peut-être ?! Un sourire sarcastique aux lèvres, Caim tira sa propre épée et s’avança vers son adversaire.
Verdelet dut retenir Furiae qui appelait désespérément son frère à la raison. Caim fit le sourd. Ceci était une affaire entre Inuart et lui. Les deux hommes et leur dragon se livrèrent à une froide contemplation. Deux fauves, deux dragons. Le rouge, le noir.
Un rugissement retentit.
Inuart fut le premier à bondir. Caim prit l’offensive juste à temps pour parer son attaque. Les lames s’entrechoquèrent. La véhémence du coup fut si forte qu’elle ébranla les os dans les bras de Caim. Désarçonné, il n’eut pas le temps de placer une remise. L’épée d’Inuart trancha l’air. Caim la para d’extrême justesse et chancela. Le son du métal bourdonnait encore dans ses oreilles lorsque la lame d’Inuart vrilla en un nouvel éclair fulgurant. Caim fut projeté en arrière et s’écrasa au sol.
Un sourire victorieux trancha le visage d’Inuart. Furiae se débattait mais Verdelet la tenait bon.
− Caim ! appelait-elle.
La cuirasse de Caim avait tenue bon, mais elle garda une profonde entaille. La nouvelle force d’Inuart était abasourdissante. Caim n’y croyait pas.
Un rugissement déchirant résonna et Caim sentit une douleur fulgurante lui transpercer le cou. Le dragon noir d’Inuart avait saisit le dragon rouge entre ses mâchoires et lui déchiquetait sauvagement la jugulaire. Une telle bestialité, une telle monstruosité... il en avait déjà été témoin... une seule, une unique fois... il y a longtemps de cela...
A cet instant le cœur de Caim se figea, chargé d’émotions. Des cris et des visions s’entrechoquèrent dans sa tête.
Un homme.
Broyé dans la gueule d’un monstre.
Une femme.
Écrasée sous les griffes d’un monstre.
Du rouge… Du sang qui ruisselait en cascades…
Ce monstre… Noir comme l’ombre… Une ombre vivante. Ces yeux… Pourpres comme deux escarboucles. Rouges comme deux globes incandescents. Jamais Caim n’avait pu oublier cette couleur coruscante… Et voilà qu’il la retrouvait… Car le monstre de ses cauchemars était devant lui…
A cet instant précis, Caim perdu tout discernement. Plus rien autour de lui n’existait. Ni Inuart, ni Furiae, ni même la douleur lancinante dans sa gorge. Il n’entendait, ne comprenait et n’éprouvait plus qu’une seule chose ; le désir de vengeance. Il s’élança en voulant hurler de haine, mais sans pouvoir produire le moindre cri. Il n’écoutait pas l’écho de la voix du dragon rouge qui disait :
« Reste où tu es, pauvre fou ! »
L’œil pourpre du dragon noir étincela. Relâchant sa proie, il s’élança dans les airs et gonfla son thorax squelettique. A l’instant d’après il vomit un torrent de feu. Le dragon pourpre se jeta sur Caim pour le protéger au creux de ses ailes cuirassées. Il reçu les flammes de plein fouet et hurla en s’affaissant. Caim sentit la douleur des flammes lui calciner le dos. Il tenta de se relever mais son énergie était comme consumée. Ses mouvements pour se redresser étaient piteux.
Le dragon noir se posa avec souplesse aux côtés de son partenaire de pacte. Inuart lui adressa un sourire complice avant de toiser Verdelet avec supériorité et amusement. Verdelet était désormais le seul à pouvoir protéger Furiae. Il brandit son bourdon avec l’intension d’exorciser Inuart qui s’approchait d’un pas conquérant, le sourire aux lèvres.
− Hom gallech ne’alei fré natila. Hom gallech ne’alei fré nati…!
Le geste d’Inuart fut vif et net. Verdelet cria et se recroquevilla à terre.
Les phalanges de Furiae blanchirent sur la harpe qu’elle serrait toujours contre elle. Ses sourcils s’incurvèrent et ses lèvres se pincèrent. Elle n’était plus qu’une pauvre fleur de lys au centre d'un champ dévasté.
Inuart tâtait sa beauté du regard, comme hypnotisé. Il l’attrapa fermement par le bras. Assiégée par l’effroi et le dépit, Furiae le gifla de toutes ses forces. Inuart sourit sans broncher. Le regard rouge et démentiel qu’il lui lança restait celui d’un amoureux. D'un passionné rendu fou. Avec un rictus, il saisit entre deux doigts le menton de Furiae. Désormais, elle était toute à lui. Il pressa ses lèvres sur les siennes. Furiae subit cet attouchement avec horreur. C’était une brûlure plus mordante que le fer rouge. Elle tenta de repousser Inuart mais sa force n’était que misère. Elle finit par perdre conscience.
Caim prenait appuis sur son épée en grinçant des dents, toujours incapable de supporter son propre poids. Il voyait Inuart prendre Furiae dans ses bras et l’emporter sur le dos de son dragon noir.
Toujours en souriant, Inuart contempla Caim d’un air triomphateur :
− Bienvenue dans un monde sans chanson, déclara-t-il.
Il jeta quelque chose au-dessus de sa tête et son dragon prit son envol en poussant un rugissement lugubre. L’objet tournoya dans les airs avant de retomber en se plantant dans le sol. Des cordes vibrèrent, marquant l'acte d'un son dramatique. Inuart n’aura laissé que sa harpe et le désespoir…
♋ - ♑
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