Chapitre 1

Drakengard 1 adapté en roman par Nashira
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Nashira
L'Œil Écarlate
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Chapitre 1

Message par Nashira »

A l'époque où j'étais encore en plein dedans, je m'étais lancée dans le projet un peu ambitieux de vouloir adapter l'histoire en roman. Par pure distraction. Faut dire, je devais avoir 15 ou 16 ans lorsque j'avais entreprit ça ^^
Ça avait mit un certain temps mais j'avais pu terminer ce petit projet. Aujourd'hui en revenant sur le forum je me dis qu'après tout, pourquoi ne pas le publier ici ? Soyez cependant prévenus, j'ai écrit ça il y a maintenant plusieurs années et lorsque je relis ce truc aujourd'hui, je me rend compte que j'avais un style que je qualifierais de ''vraiment très lourd''. Beaucoup de répétition, pas mal de descriptions, etc... Enfin vous verrez en lisant.
Bien évidemment, j'ai pu intégrer des petite choses de mon cru, en essayant tout de même de rendre au mieux les choses proches de ce que nous montre le jeu. Je ne me suis pas privée de mettre des extraits des paragraphe que l'on peut lire avant les missions, les puristes le remarqueront.
Les critiques sont toujours les bienvenues. Elles sont indispensables si on veut évoluer et corriger ses défauts ^^ Alors ne vous gênez pas.
Je commence donc par publier le premier chapitre. Si cela vous plait, je continuerait avec la suite. Bonne lecture. Mais attention, c'est assez long...
PS: comme je fais un copié-collé, ma mise en page (alinéa, saut à la ligne, etc) semble quelque peu compromise...

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Chapitre 1
Commencement

Tout est triste, tout est gris, dans cette pièce.
Des quatre côtés les murs s’élèvent, ternes, froids et déprimants. Un seul laissait entrer la faible lumière du matin à travers les carreaux de ses hautes fenêtres opaques et sans rideaux. Il y avait sous ces lumières une colonnade. Une table de bois fin était entreposée sous les ombres qu’elles projetaient au sol.
A cette table, Furiae priait, le front pressé sur ses mains jointes. Un énorme ouvrage était ouvert entre ses coudes et exhibait les Saintes Ecritures.
La beauté de la jeune femme n’avait égal que la pureté renfermée dans son cœur. Son corps se tenait parfaitement immobile, si bien qu’au fil de ses respirations, on ne parvenait qu’à peine à discerner le faible soulèvement de sa poitrine. La robe pâle qu’elle portait voilait harmonieusement sa peau opaline. Sa chevelure sombre barrait de quelques mèches son visage délicat sur lequel se dessinaient de fines lèvres qui ne souriaient jamais. Ses yeux mélancoliques étincelaient comme les saphirs les plus purs.
Depuis combien de temps était-elle là à prier, impossible de le dire… Mais elle était là, priant, toujours avec la même ferveur inébranlable. Toujours avec la même foi infinie.
Passer des journées entières à prier ainsi en quasi-solitude, isolée du monde, enfermée dans la prison qu’était devenue sa propre chambre, tel était le tracé de sa vie. Pas qu’elle ne fut anachorète, mais les règles étaient les règles : une déesse se doit de renier sa vie de femme. Elle se doit de porter le lourd fardeau qu’était le Sceau, d’en souffrir et cela sans mot dire, pour le bien du monde. C’était son devoir. Qu’attendre d’autre d’une déesse ?
Furiae n’aurait su estimer elle-même l’ampleur du temps qu’elle avait vécu à attendre ainsi. Attendre. Sans rien faire… Attendre. N’ayant pour seul recours que la prière… Juste une infinité de supplications… Les dieux ne lui répondaient jamais. Ils la laissaient seule, abandonnée, écartée de toute attache au monde extérieure.
Pourtant, durant toutes ces années, la flamme dans le cœur de Furiae ne s’était jamais éteinte. Furiae était restée là, toujours penchée sur le même livre, buvant toujours les mêmes paroles pieuses qui y étaient inscrites… Ces paroles l’aidaient-elles peut-être à lutter contre l’accablement ? Peut-être l’aidaient-elles à lui faire garder espoir ? De l’espoir, elle en avait bien besoin. L’atmosphère autour d’elle était si pesante que le Temps lui-même y semblait mort…
Soudain, un bruissement rompit le silence : les pages du livre se mirent à tourner d’elles-mêmes, comme portées par un vent imperceptible. Furiae se releva avec un hoquet de peur. Les pages s’arrêtèrent brusquement et la déesse s’y pencha avec appréhension.
Elle crut sentir son cœur s’arrêter tandis qu’elle vit les titres du verset sur lequel les pages s’étaient ouvertes : Apocalypse.
Son visage se figea d’effrois quand elle jeta son regard par les vitres éthérées de la fenêtre.
− Ça commence…
La peur et l’effroi lui prirent le cœur, car elle avait déjà comprit. Elle avait comprit qu’à partit d’aujourd’hui, ses pires craintes allaient devenirs réalité… Qu’aujourd’hui, la Destinée avait décidé de se mettre en marche. Qu’aujourd’hui, le vrai cauchemar commençait…
~
Au cœur des terres stériles, l’Empire avance inexorablement. Il s’attaque maintenant au bastion où réside la déesse. Caim et les soldats de l’Union volent au secours de Furiae, déesse des Sceaux, et unique sœur de Caim.
Le ciel nébuleux était percé par les quelques rayons d’un soleil encore froid, mais la bataille, elle, était ardente.
Les soldats de l’Union se jetaient à corps perdu contre les guerriers de l’Empire. Caim était des leurs, se battant vaillamment sous les étendards bleus de l’Union, l’alliance de toutes les nations. Créée pour lutter contre les forces de l’Empire, l’Union protégeait la déesse à travers une guerre qui faisait rage depuis déjà plusieurs années. Mais aujourd’hui, une puissance inconnue avait rejoint les rangs de l’ennemi...
Frère aîné de Furiae, Caim était un jeune homme vigoureux, de sang royal et à la tête d’un bataillon de l’Union. Bien qu’ils soient frère et sœur, Caim et Furiae étaient comme la nuit et le jour. Autant Furiae était frêle délicate et inoffensive, autant Caim était fort, bestial et impulsif. Ils n’avaient en commun qu’une seule et unique analogie ; le bleu profond de leurs yeux. Et pourtant, même ce détail comportait des dissemblances ; contrairement au regard triste et mélancolique de Furiae, le regard de Caim était dur et haineux.
Les mèches de ses cheveux rebelles rayaient son visage stoïque. Son corps, élancé mais robuste, était le fruit de plusieurs années d’entraînement au combat et bien qu’il ne soit encore jeune, nul guerrier ne pouvait égaler ses talents de bretteur. Mais Caim n’était pas un homme qui se battait pour survivre. Non, il se battait pour tuer. C’était son intarissable soif de meurtre qui faisait de lui un guerrier aussi redoutable.
Et pour cause ; lorsqu’il fut jadis témoin de l’assassinat de ses propres parents par l’Empire, il était alors le prince d’un petit royaume. Depuis le traumatisme de ce meurtre, sa haine envers l’Empire n’a cessé de croître, et le seul but de son existence s’est mué en combat infini ; celui de venger sa parentèle ainsi que la déchéance de son royaume.
La silhouette sombre des montagnes lointaines traçait la ligne d’horizon, et les murailles de la forteresse s’élevaient en une ombre noire. Autour du plateau serpentait un fleuve qui protégeait le domaine. Mais ce rempart naturel n’avait su arrêter l’avancée de l’ennemi. Pas plus que les lices, ni les barrières, ni non plus les balistes et les catapultes… l’Empire ne reculait devant rien. Les défenses étaient percées. Les deux armées étaient emmêlées au cœur d’une violente bataille.
Les cris et les tintements métallescents des fers résonnaient telle une litanie aux tympans de Caim. Son épée, sa cuirasse et ses vêtements étaient maculés du sang de ses proies… à sa plus grande jouissance. Les ennemis pullulaient, mais la lourdeur de l’air et la poussière qui y flottait brouillait la vision tellement bien qu’il était difficile de reconnaître les amis des ennemis.
Caim ne connaissait aucun plaisir plus délectable que de savourer la vengeance lorsqu’elle était au bout de l’épée. D’un coup, il tua un soldat en face de lui. Puis un second. Un sourire de satisfaction trancha son visage lorsqu’il en massacra un suivant. Ses coups étaient d’une rapidité fulgurante. Ses bottes et ses techniques étaient redoutables. Ses mouvements étaient semblables à ceux d’une danse macabre.
Dans une volte serpentine, il se jeta sur un autre homme de l’Empire. L’ennemi parvint à lever sa garde juste à temps pour parer son coup. Les regards des deux combattants se croisèrent. Les yeux de l’ennemi brûlaient d’un feu pourpre et fanatique…
Un tintement sonore retentit, succédé par un bruissement de chair et une giclée de sang : la rapière rivale s’était rompue.
Un autre soldat aux yeux rouges s’élança sur Caim pour venger son compagnon. Caim l’enferra sans distinction. Mais réaliser une estocade comme celle-là était périlleux dans un moment tel que celui-ci, car durant l’instant où la lame est encore enfilée dans la chair de l’ennemi, on devient une proie vulnérable.
Caim l’apprendra à ses dépends. A l’instant d’après, il se cambrait sous le choc violent d’un coup porté dans son dos. La chair et les os ébranlés, le visage avachit, il éructa de douleur et plaça un contre-vengeur à l’aveuglette. Celui qui l’avait attaqué en traitre s’écroula dans la poussière. Mais il était trop tard. Sa cuirasse était fendue, et Caim sentait avec effroi des cascades de sang chaud ruisseler le long de son corps.
Haletant, il chancela et manqua de s’affaler au sol. Ce coup lui sera fatal, il le savait. Frappé dans le dos... quel déshonneur !
Le son d’un cor résonna alors. Caim se tourna avec anxiété vers le bastion. Sur les hautes courtines, une silhouette mettait le feu à l’étendard de l’Union, signe aux troupes que la forteresse avait été investie.
Une terrible perspective fusa dans l’esprit de Caim.
− Furiae…
Furiae, la déesse, se trouvait toujours à l’intérieur du bastion. C’était dans l’espoir de la contrôler que l’Empire combattait aussi férocement. Qu’adviendrait-il s’il y parvenait ? Cette pensée fit frémir Caim. S’il devait essuyer la considération de sa propre mort, il ne pouvait envisager la perte de sa sœur.
Se forçant d’ignorer la douleur insoutenable qui lui lancinait l’échine il s’élança la vengeance au cœur, attaquant la masse turbulente des soldats impériaux.
Il allait aussi vite qu’il pouvait. Il voyait tout autour de lui les ombres des siens choir les une après les autres. Ces rats de l’Empire se battaient à l’unisson comme des chacals ! De vrais démons.
L’Union avait de plus en plus de mal à contenir l’afflux incessant des renforts ennemis. Mais où donc étaient les leurs ? Le velum de la suspicion voilait le champ de bataille. La situation était plus désespérée que jamais. L’air était si entêtante que même respirer devenait un défit. Mais Caim rassemblait toutes ses dernières forces et courrait, une fièvre ignée lui consumant le cerveau. Pour lui, rien n’était plus important que la survie de Furiae. Sauf peut-être sa soif insatiable de sang…
Les murs de la forteresse grandissaient au fur et à mesure qu’il s’y approchait. Il filait à présent à travers les vieilles colonnes effritées qui flanquaient le chemin à l’entrée du mur d’enceinte. A chacun de ses pas, il sentait cogner dans son front comme un coup de marteau.
Contrairement à ce qu’il aurait pu penser, la grille de la forteresse n’avait pas été enfoncée mais simplement relevée. Une fois la muraille franchie, il actionna la poulie et la herse chuta. L’entrée condamnée empêchera au moins l’intrusion de nouveaux ennemis.
Sans s’arrêter il couru à travers l’allée couverte qui menait droit à la cour. Étrangement, l’endroit était désert… ou presque…
Dans les alcôves des murs ternes se tenaient fièrement deux statues de guerrier appuyés sur leur arme. Sous le regard dur de leurs yeux de pierre s’exhibait un spectacle des plus répugnants.
Son sang écarlate se brouillait sur sa cuirasse luisante. Son corps était criblé par des myriades de flèches et de lances. Ses ailes éployées étaient clouées au sol par d’énormes pieux rouillés. De lourdes chaînes noirâtres s’enlaçaient par dessus sa croupe, son dos et son encolure, l’écrasant furieusement au sol.
Comment était-il arrivé là, Caim l’ignorait. Mais devant lui, capturé par l’Empire, gisait un dragon pourpre. Un dragon… Tellement semblable à…
Le jeune guerrier s’approcha de l’énorme masse en titubant sous son poids. Un point de côté lui déchirait le flanc et des perles de sueur ruisselaient de son visage blafard. Jamais il ne s’était sentit plus alanguit qu’à cet instant. La charge de son fourreau pesait si lourd dans ses reins. Le poids de son armure l’accablait. Même son épée semblait être un fardeau, si bien qu’il devait s’y appuyer à la manière d’un vieillard sur son bâton pour ne pas s’effondrer.
Caim s’approcha de la bête et la contempla d’un regard véhément, animé par une rage aveugle. Des images s’entrechoquèrent dans sa tête douloureuse. Des cris s’y répercutèrent, lointains et terrifiés. Ses yeux roulaient nerveusement dans leur orbite. Son sang gouttait avec des clapotis mous tandis qu’une épaisse flaque de sang se formait doucement à ses pieds. Ses veines se vidaient toujours plus. Sa vision se brouillait.
Mais un détail le fit soudain frémir : un râle liminal et régulier s’élevait de la gueule entrouverte du monstre. Il était toujours en vie !
Le cœur de Caim battit plus vite. Criant, aveuglé par la haine, il brandit son épée en rassemblant ses dernières forces afin d’achever la créature qu’il hait tant.
L’œil de la bête s’ouvrit alors en un éclat doré.
− Tue-moi si tu veux, soupire le dragon mourrant. Mais mon âme restera invincible, misérable humain.
Sa voix était froide comme de la glace, venimeuse et d’une arrogance sans limite.
L’épée toujours levée pour asséner le coup de grâce, Caim hésita. Cette chose devant lui était la plus abjecte et la plus repoussante de toutes. S’en débarrasser était son seul désir. Pourtant, cette horreur pouvait aussi être la seule chose qui lui permettrait de survivre. La mort hypnotisait tour à tour les deux êtres. Caim réfléchissait à toute allure en évaluant chacune de ses chances de survie. C’est à cet instant que son désir de vengeance surpassa sa haine.
− Dis-moi, souhaites-tu vivre, dragon ? fit-il d’une voix doucereuse.
La créature releva son horrible tête pointue aussi haute que ses chaînes le lui permettaient et sonda le visage du guerrier avec un air déconcerté.
− Quoi ? fit-elle d’un ton abasourdit.
− Un pacte ! cracha Caim. C’est la seule solution !
Le dragon fut secoué d’un rictus.
− Tu te crois digne d’un pacte avec moi ? dit-il d’un ton sarcastique.
− Digne ou pas, je veux vivre ! riposta le guerrier. Méprise moi si tu veux, mais je refuse de mourir !
La créature le toisa de ses yeux jaunes aux pupilles verticales sans rien répondre.
− Alors ? s’impatienta Caim, un pacte ou la mort ?
Caim – comme le dragon – savait qu’un pacte était le seul moyen de survivre. Bien qu’un pacte exige un lourd tribut, une union telle que celle-ci ne lui permettrait pas seulement de survivre à ses blessures, elle lui donnera aussi la puissance nécessaire pour se venger de l‘Empire. Lorsqu’un humain et une créature fusionnent leur âme et concluent un pacte, ils deviennent partenaires. Les légendes racontent même qu’un humain et son partenaire de pacte avaient la force d’une armée entière. Rares sont ceux qui peuvent mériter de s’approprier une pareille puissance. De plus, la noble race des dragons ne se soumet pas facilement à la domination d’autres créatures. Même enchaînés et mourants, leur arrogance subsiste malgré tout.
Pour ce qui sembla être une éternité, les deux titans moribonds s’observèrent d’un regard fier et vicieux.
Les forces de Caim s’écoulaient en même temps que son sang. Ses muscles tremblaient sous sa peau. Sa respiration était irrégulière et saccadée. Des nausées lui faisaient tourner la tête.
− Maintenant… réponds ! ordonna-t-il.
− Un pacte ou la mort ? répéta le dragon de sa voix fielleuse. Notre désir de vivre nous unit…
− Alors ? s’impatienta Caim.
Le dragon soupira.
− Oui… un pacte…
L’accord était prononcé.
Caim se redressa et porta la main à sa poitrine. Une lumière opaline en émana soudain, et son corps à cet endroit se mit à frémir comme s’il avait été fait d’argent liquide. Sa main se fondit à travers son armure. Il poussa un long hurlement de douleur jusqu’à vider ses poumons. Sa main avait entièrement disparue en lui.
Face à lui, le dragon se tordait de douleur, gémissant et grognant. Une lumière argentée remontait lentement le long de sa gorge jaunâtre.
A grands peines et n’ayant plus de souffle pour gémir, Caim arrachait quelque chose de sa poitrine. Une sphère rutilante brillait désormais entre ses doigts crispés.
Un orbe semblable apparut entre les crocs effilés du dragon râlant. Ses muscles frémirent sur sa mâchoire quand il tendit le cou vers Caim. Et Caim lui tendit sa main. Quand les deux sphères entrèrent en contact, elles fulgurèrent tout de blanc. Caim eut l’impression que le temps s’écoula au ralentit. Il aurait crut ne plus rien peser. Il n’avait même pas l’impression se sentir ses pieds toucher le sol. Peut-être ne le touchait-il plus ? Une chaleur bienfaisante irradia tout son corps, jusqu’au bout des doigts.
Le dragon se convulsait violemment dans la lumière et ses chaines se brisèrent avec un tintement sonore. La lumière se dissipa. Caim fut tiré de sa léthargie presque avec regret. Devant lui le dragon se redressa, rugissant à plein poumons et déployant ses ailes de toute leur envergure. Il ne restait sur son corps rouge plus aucune trace des terribles meurtrissures qui le marquaient un instant seulement auparavant. Les pieux et les chaines étaient rompus, éparpillés sur le sol.
Caim remarqua avec satisfaction que sa blessure béante s’était refermée. Son sang palpitait à nouveau en abondance dans ses veines et toute douleur s’était volatilisée. Une seule chose lui parut quelque peu gênante mais cela le dérangeait à peine ; sa langue était pâteuse.
Dans la forteresse assiégée, les deux êtres mourants avaient fusionnée leur existence. Ils partageront désormais le même destin, pour le meilleur et pour le pire. Mais pour tout pacte, il y a un prix. Caim en est-il conscient ? Certes il avait échappé à la mort, mais sa sœur n’était pas encore sauve. Il lui fallait à tout prix retrouver Furiae avant l’Empire.
Empoignant son épée il se tourna vers l’entrée du bastion sous le regard perçant du dragon derrière lui. Se souvenant que lui et cette bête exécrable faisaient désormais équipe, il pensa qu’elle devrait se plier à toutes ses volontés. Son premier ordre sera de l’envoyer en aide aux soldats de l’Union.
Mais alors qu’il remua les lèvres…
− ………… !
Aucun son ne s’éleva de sa bouche. Prit de panique, il réessaya. Mais toujours rien. Sa main sauta à son cou. Que lui arrivait-il ?
La voix froide du dragon déclara d’un air tranquille :
− Oui. Tu as perdu ta voix. Un maigre prix à payer au regard de ce que tu obtiens.
La panique de Caim se changea en rage. De dépit, il planta son épée dans le sol. L’impact provoqua des fissures qui brisèrent les dalles sur un périmètre grandiose. Un sourire joua ensuite sur les lèvres de Caim ; comme le racontaient les anciennes légendes, son pacte lui avait donné une force surhumaine... Mais comment allait-il faire pour s’exprimer, maintenant qu’il avait vendu sa voix ?
Il sentit soudain une présence étrangère dans son esprit. Une âme, autre que la sienne. Une voix retentit en lui avec la sensation détestable qu’elle glissait sous sa peau comme de l’huile, froide et sordide.
« Peut importe » dit la voix « Désormais, je parlerais pour toi. Je suis le seul maintenant à pouvoir t’entendre. »
Caim considéra le dragon d’un regard malveillant et accusateur. Comment cette chose pouvait-elle ainsi s’introduire dans ses pensées ? Et de quel droit ? Son corps fulmina de haine.
La voix de la créature glissa à nouveau sous sa peau en résonnant dans sa tête :
« La voix ? C’est un peu comme de la télépathie. Ceux ayant passé un pacte sont tous liés mentalement. Nous entendons leurs pensées, nous ressentons leur conscience. Mais je croyais que tu étais au courant de tout cela ? »
Caim déglutit. Ce reptile disait vrai. Il pouvait sentir le fluide de ses pensées couler continuellement en lui. Des pensées bien moins rudimentaires qu’il l’aurait cru de la part d’un dragon, cela dit au passage. Ressentir toutes ces impressions qui n’étaient pas les siennes était pour lui détestable. Il essaya de fermer son esprit aux intrusions de la créature, mais rien n’y fit. Il était apparié à elle. Pour toujours.
Le dragon retroussa ses babines et découvrit ses crocs :
− Ne va pas croire que cela m’enchante, dit-il. Un pacte est un pacte, nous sommes tous les deux prisonniers. Je n’aurais cependant pas escompté me lier au frère de la déesse ! C’est elle que tu recherches dans ce fort, n’est-ce pas ?
Caim soupira d’un souffle aphone.
− Qu’attends-tu alors pour rejoindre ta sœur ? L’ennemi est dans le château, il n’est pas là l’heure des pourparlers !
Caim se mit en marche, mais la voix du monstre ria :
− Seul dans cette forteresse ? Très bien ! Je t’attendrais. Si tu meurs, j’en serais vite avisé. Désormais, ma vie est aussi la tienne…
La main de Caim se crispa sur le manche de son épée. Il fit volte-face en la pointant vers le dragon, pendant qu’il lui envoya un ordre par la pensée.
− Aider l’Union ? répondit la créature, un humain ne me donnera jamais d’ordres, pas même s’il est mon partenaire de pacte. Je ferais ce qu’il me plaira !
Le visage du guerrier se tordit en une grimace de mépris. Mais il n’avait plus le temps. Se détournant, il s’enfonça dans le bastion sans prêter attention à la créature qui soupira :
− La haine ne résout pas tous les problèmes…
~
Caim pénétra dans la forteresse avec défiance. Pas âme qui vive dans les couloirs. L’endroit semblait désert et abandonné. Pas un bruit, pas un souffle…
Les flammes des flambeaux faisaient danser son ombre sur les murs. Le silence lui était oppressant. Seul le claquement de ses pas sur le dallage rompaient le chut. La chambre de Furiae se trouvait tout en haut du bastion et il fallait traverser de nombreux couloirs et salles pour grimper à l’étage.
Les règles étaient que la déesse devait toujours rester en paix, éloignée des autres afin qu’elle puisse bénéficier de toute la quiétude et de toute la tranquillité qui sont dus à une divinité. Quelles règles stupides, repensa Caim. Comment la rendre encore plus vulnérable ? C’était pour cette raison qu’avant de partir combattre, Caim avait ordonné à son ami Inuart d’aller rejoindre Furiae ; la sécurité de sa sœur valait bien plus que le respect des préceptes. Mais Inuart pourrait-il −seul− défendre Furiae d’une attaque de soldats démoniaques ? Connaissant les piètres compétences de son ami au combat, Caim pensait au pire.
Il grimpa l’escalier de la salle d’armes et tourna à l’angle d’un long couloir parsemé de fenêtres. Il déboucha sur les balcons de la salle principale et continua vers les couloirs menant aux appartements. Filant le long des réserves, il atteignit un large escalier de pierre. Il gravit les marches quatre à quatre. Il ne restait entre lui et la chambre de sa sœur plus qu’un long couloir à ciel ouvert.
Un hurlement se fit soudain entendre :
− FURIAE !
Caim reconnu la voix d’Inuart. Son sang ne fit qu’un tour : il traversa le couloir en un éclair et enfonça la porte. Trois soldats de l’Empire se dressaient devant Inuart et Furiae. Caim agit sans réfléchir. Une giclée de sang s’écrasa sur le visage blafard d’Inuart, Furiae poussa un hoquet de peur. Les soldats impériaux s’affaissèrent. Comme un fou furieux, Caim continuait de s’acharner sur un des corps.
− Caim, arrête, cela suffit ! dit désespérément Inuart. Caim ! Il est mort…
Caim ne prêtait pas la moindre attention aux supplications d’Inuart. Son visage grimaçait de haine, son épée continuait de frapper. Le bonheur qu’il éprouvait à la vue de l’hémoglobine semblait le plonger dans une sorte de transe…
Mais soudain, l’écho d’une voix glaciale se répercuta dans sa tête et dans tout son corps :
« Arrête, maintenant ! Dans la mort, ces êtres aussi ont droit au respect ! »
Caim tombât en arrêt. Il n’avait pas seulement ressentit la présence du dragon dans son corps, il avait également pu ressentir toute la puissance de sa colère, de toute sa haine, de tout son mépris envers la race humaine… comme s’il avait éprouvé ces sentiments lui-même… Les liens d’un pacte étaient-ils aussi puissants ?
D’une main tremblante, il retira son épée du cadavre aux yeux rouges et révulsés. Une auréole pourpre s’épanchait sur le sol. Apaisé, Caim se tourna lentement vers Inuart qui aidait Furiae à se remettre sur ses deux jambes.
Inuart était un jeune homme pas plus âgé de vingt ans, à la stature élancée, avec des yeux profonds aux sourcils aigus et aux cheveux roux flamboyants. Son image respirait la sincérité, mais Caim savait que sous ses qualités intègres se trouvaient une personnalité fragile et un caractère faible. Fils d’un noble du royaume autrefois régit par le père de Caim, Inuart était également un musicien de talent et un virtuose de la harpe. Sa sœur Furiae avait toujours aimé l’écouter chanter. A un temps aujourd’hui révolu, Furiae était même promise à Inuart. Mais les vicissitudes du destin avaient voulu qu’il en soit autrement et Furiae dut incarner le Sceau de la déesse en devant oublier toute promesse de mariage.
− Toujours cette rage sanguinaire…, soupira le musicien en contemplant les cadavres aux pieds de Caim. Mais tu m’as sauvé la vie…
Caim n’avait que faire des remerciements d’Inuart. Il posait un regard inquiet sur Furiae qui le contemplait d’un air craintif. Sa robe blanche était immaculée. Caim voulait lui parler.
Ses lèvres remuèrent, sa langue articula, mais aucun son ne naquit. Il se rappela amèrement de son mutisme. Les autres ouvrirent de grands yeux sans comprendre. Le teint d’Inuart pâlit.
− Caim ? fit-il déconcerté, tu n’arrives pas à parler ?
La frustration et l’embarra lui prirent le ventre. Comment allait-il faire pour expliquer qu’il avait vendu sa voix en passant un pacte ? Il tenta de s’exprimer par des gestes. Inuart le regardait comme s’il était devenu fou. Caim baissa les yeux. La voix amusée et sarcastique du dragon glissa alors à nouveau en lui :
«Tu es donc si ignorant ? Ta langue ! »
Caim cligna des yeux. Sa langue ? Elle ne lui servait plus à grand-chose, de toute manière ! Il la sentait toujours étrangement pâteuse à l’intérieur de sa bouche. Intrigué, il y passa son doigt.
Inuart sursauta :
- Tu as passé un pacte ! s’égosilla-t-il.
Intrigué par sa réaction, Caim rapprocha son épée sanguinolente de son visage et contempla son reflet vaporeux sur la lame. Une marque noirâtre aux tracés tribaux ornait sa langue… La marque du pacte !
Un long silence s’installa. Mais il fut rompu par un tonnerre de cris montant au dehors. Caim se demanda quelle armée ovationnait sa victoire. En quelques enjambées il se dirigea vers la fenêtre la plus proche et fracassa la vitre. Les éclats cliquetèrent sur le sol et les acclamations de joie se firent plus fortes.
Sur le champ de bataille, les soldats au surcot bleu brandissaient victorieusement leur arme. Caim sourit aux autres. L’Union était vainqueur.
Mais les prochains mots qu’Inuart prononça ramenèrent bien vite l’amertume dans leur cœur :
− Nous ne sommes plus en sécurité, ici. Nous devons partir ! Je...
Il hésita un instant avant d’exposer son idée :
− Je souhaiterais emmener Furiae au village des Elfes dans la forêt. Les forces de l’Empire n’iront pas la chercher là-bas, c’est un territoire neutre, rajouta-t-il en voyant l’expression sombre dans le regard de Caim.
Celui-ci avait une opinion déjà toute fondée sur la proposition d’Inuart : l’Empire voulait Furiae. La neutralité des Elfes dans la guerre qui opposait l’Union à l’Empire n’était pas une protection.
− Quitter le château est dangereux, mais qu’avons-nous de mieux à faire ? insista Inuart. Furiae est la déesse des Sceaux. Mais avant qu’elle ne le devienne, j’étais son promis ! Je veux la protéger, rien de plus…
Caim regarda Furiae. La déesse ne prenait aucune part à la conversation et restait aussi muette que son frère.
− Et toi, Caim ? reprit Inuart, considères-tu toujours Furiae comme ta sœur ?
Ce fut l’argument le mieux rodé. Caim céda au souhait d’Inuart en hochant la tête aussi bien de droite à gauche que de haut en bas. Après tout s’ils devaient quitter le château, autant aller rejoindre la noble race des Elfes.
Heureux d’être avec Furiae et de la victoire de l’Union, Inuart s’empara de sa harpe. Puis, il remit sur pied une chaise renversée et y pris place en souriant à la déesse :
− Ta chanson préférée ?
Furiae approuva d’un faible sourire. Caim passa son bras autour de sa taille, ravi d’avoir retrouvé sa très chère petite sœur saine et sauve.
Inuart pinça délicatement les cordes de sa harpe et entonna un chant ensorcelant à ses compagnons. Le jeune musicien ne sait pas que ses rêves sont plus improbables que jamais…
♋ - ♑
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