Chapitre 11

Drakengard 1 adapté en roman par Nashira
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Nashira
L'Œil Écarlate
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Chapitre 11

Message par Nashira »

Un chapitre où une voix se fait entendre...


Chapitre 11
Appel

− Léonard, la mort de tes frères te ronge... Tu dois essayer de te pardonner.
L’aveugle gardait le front plissé. La lance dans sa main frémissait.
− Je ne peux pas, dit-il, ce que j’ai fait est irrémissible... Ce que j’ai fait est impardonnable !
Furiae demeura silencieuse. Léonard ne put le voir, mais le visage de la déesse se mua en masque de chagrin. Une étrange contrition s’y lisait. Elle courba misérablement la tête et se perdit dans la contemplation des sables qui roulaient à ses pieds.
Des centaines, non, des milliers de grains de poussières. Tous aussi futiles et insignifiants les uns que les autres. Chacun avait une forme différente, mais tous roulaient et rampaient avec la même impuissance sous le vent. D’où venaient-ils tous ? Constituaient-ils les restes d’une montagne désagrégée ? Ils avaient l’air tellement dérisoires, tellement piètres, tellement... humains...
Le coeur de Furiae se pinça. Ce qu’elle éprouvait là, n’était-ce pas qu’éprouvaient les dieux envers les humains ? N’étaient-ils pas tous aussi superflus que ces minuscules cristaux de sables ? De la même manière que ces grains de sables qui roulaient sous le vent, les humains n’étaient-ils pas eux aussi tous portés par le souffle des dieux ? Au fond, la foi n’agissait-elle pas tel un vin qui, une fois absorbé, les rendait aussi malléables que le sable gorgé d’eau ?
Furiae laissa glisser quelques larmes le long de ses joues. Les gouttes de sa tristesse s’écrasèrent sur le sable. Le sable mélangé à l’eau, ce n’était que de la boue...
Elle resongea au jour maudit où l’évêque Verdelet avait célébré la cérémonie du sceau afin qu’elle devienne la nouvelle déesse tutélaire du monde. Cela faisait déjà cinq années qu’elle incarnait le sceau suprême... cinq années que ses parents avaient été assassinés... cinq années... où elle avait vu son frère se nourrir de rage et de haine, devenant peu à peu le soldat la plus sombre et le plus impitoyable de toute l’Union.
Sa pensée pour Caim lui fit penser amèrement au sourire amoureux qu’elle lisait chaque fois sur les lèvres d’Inuart lorsqu’il la regardait. Les sentiments enflammés d’Inuart n’avaient jamais connu de cesse depuis la fois où il l’avait aperçue, et elle le savait. Elle qui était devenue sa muse.
Un claquement d’air cingla. Le dragon atterrit lourdement. Furiae se précipita vers la créature :
− Vous êtes de retour, dit-t-elle d’une voix pleine de soulagement.
Son réconfort ne fut qu’éphémère. Caim affichait une mine abattue…
Le dragon courba sa nuque pour permettre à ses passagers de mettre pied à terre. Caim descendit. Succédé par Verdelet.
L’évêque affichait un air tout aussi embrunit que Caim. Furiae agrippa anxieusement les plis de sa robe :
− Où est Inuart ? demanda-t-elle sans réellement oser entendre la réponse.
Son frère la fixa dans les yeux avant de lui tendre un objet qu’elle connaissait bien.
− C’est...sa harpe... ? hoqueta Furiae en prenant l’instrument entre ses mains, incrédule.
− Elle était plantée dans le sable du désert, déclara le dragon.
Furiae s’affala violement, comme soudainement écrasée par un poids invisible.
− Majesté ! hoqueta précipitamment Verdelet, le poids du sceau augmente-il, maintenant que celui de désert est brisé ?
Furiae secoua la tête :
− Je vais bien... très bien... Mais... Inuart...
Mais les tremblements dans sa voix la trahissaient.
− Alors le sceau du désert a été détruit, s’enquit une voix pesante derrière eux.
C’était Léonard. Verdelet le regarda d’un air interdit :
− Qui es-tu ? chevrota-t-il.
− Léonard est un allié, déclara le dragon de sa voix froide et râpeuse. Il vient de la vallée des Sylphes et a lui aussi passé un pacte...
− Je vois, tint le vieil évêque en s‘inclinant respectueusement.
Une petite voix piquante railla alors :
− Dommage que cet imbécile ne puisse pas en dire autant !
Verdelet secoua la tête en cherchant d’où provenait cette voix sardonique.
− Qui a parlé ?
− Moi, vieux cadavre puant ! répliqua le sylphe en jaillissant hors de la poche de Léonard.
La petite créature scintillante bailla généreusement et s’étira avant de voleter autour de la tête de Léonard. Verdelet plissa les yeux sous la lumière émeraude qui nimbait son corps minuscule.
− Un sylphe ?
Le sylphe lui adressa un sourire malveillant.
− Mon partenaire de pacte, indiqua Léonard, le ton sans verve.
L’évêque eut l’air déconcerté :
− Tu es aveugle de par ton pacte, notifia-t-il en sondant son esprit. Mais le choix de ton allié me laisse sans voix, Léonard. Ne sais-tu point que les Sylphes sont les êtres les plus moqueurs au monde ?
L’aveugle baissa la tête et les mèches de ses cheveux pâles retombèrent sur ses yeux clos. Le sylphe se mit à lancer des grimaces à l’évêque.
Le dragon expira d’un souffle ronronnant :
− Léonard à bien eut l’occasion de s’en rendre compte...
Le silence tomba au cœur des dunes froides. L’astre de la nuit avait atteint l’apogée de sa course et redescendait lentement. Son croissant renversé donnait l’impression de voir sur le ciel un bateau voguant dans une mer de diamants.
Un son inconstant irradia soudain à travers les dunes sablonneuses. Une voix. Un appel...
− Caim ! Tu entends ce murmure ? s’inquiéta subitement Verdelet en sursautant. Ce son angoissant et froid ?
Caim tendit l’oreille le visage froncé, toute l’ouïe en alerte. Mais il n’entendit rien hors-mi la voix du vent.
− La voix est faible, mourante..., murmura Verdelet, tu ne dois pouvoir l’entendre...
Il posa son regard sur Léonard et dit :
− Toi non plus tu ne peux écouter cette voix, je présume.
Léonard fit non de la tête.
− Cela ne me surprend pas, déclara Verdelet. Vous autres avez passé votre pacte il y a de cela trop peu de temps : vous ne pouvez maîtriser vos dons comme je le puis... Le savoir s’apprend avec le temps uniquement, et il n’y a qu’en étant patient que vous pourrez un jour peut-être atteindre le summum de vos capacités. Mais pour l’heure, croyez moi, une voix nous appelle... Elle nous implore de venir vers elle...
Alors que Furiae allait prendre la parole, la voix du dragon s’imposa :
− Et comptes-tu chercher d’où vient ce son ? demanda-t-il, les yeux fixés sur le vieil évêque de l’Union.
La réponse était évidente :
− Si nous l’ignorons, cela se retournera contre nous.
− Et toi, tu ferais mieux de connaître tes limites !
Verdelet comprit que la créature aux écailles rouges pouvait elle aussi percevoir le son sinistre et suppliant. Ses yeux délavés étaient déconcertés.
− Sais-tu d’où provient cette voix ?
− D’une prison impériale située au cœur du désert, répondit le dragon. L’endroit où s’est rendu ton bataillon, Caim.
Il indiqua la direction du sud d’un mouvement de son long museau triangulaire. Caim savait quoi faire. Furiae parla de sa voix empreinte d’innocence :
− Peut-être cette voix est celle d’Inuart ? Peut-être est-il en vie ?
Même si à son estime, tout espoir de retrouver Inuart en vie était perdu, Caim n’osait rien faire qui puisse contrarier sa sœur.
− Cette voix est si changeante et discordante, dit le dragon qui continuait d’écouter l’appel qu’on leur lançait. Nul humain ne pourrait parler ainsi...
− Il faut aller vérifier ! supplia Furiae dont les yeux devenaient miroitants. Et s’il était encore en vie ?
Caim voulait rendre Furiae heureuse. Aussi, il décida qu’ils iraient jusqu’à ce fameux bastion. D’une pierre deux coups, ils pourront ainsi apporter leur aide dans la bataille que livrait l’Union là-bas…
− Je resterais auprès de la déesse comme avant, dit Léonard, elle ne risquera rien. De plus, Verdelet est là lui aussi.
Le sylphe ricana :
− Un vieux bouc, une brebis innocente et un berger aveugle ! Quel beau trio !
− Je préfère accompagner Caim, confessa l’évêque. Je tiens à voir à qui appartient cette voix si étrange...
Le vieil évêque grimpait déjà sur le dos du dragon rouge. Ravalant un soupir de frustration, Caim devait se résoudre à supporter la compagnie de Verdelet.
− Revenez nous sains et saufs, réclama Furiae.
Le dragon reprit son envol.
− Vous êtes tous pareils, vous les humains... Toujours à refuser la vérité...
♋ - ♑
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