Drakengard: L'Ambivalence de l'Héroïsme

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Monnlight
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Drakengard: L'Ambivalence de l'Héroïsme

Message par Monnlight »

Fanfic sur : Drakengard 1.
Titre : L'Ambivalence de l'Héroïsme.
Rapide résumé : relate l'histoire de DOD1 mais en prenant le point de vue de Caim. Le recit se fait donc à la première personne, et au présent. Ce qui permet d'une certaine manière, de voir le personnage autrement (enfin peut-être) et ses points de vue sur les évènements. Etant muet, en aucun cas on a son avis au long du jeu.
Note: le langage peut être jugé violent, comme le personnage. Ce que je veux dire par là, c'est que j'emploie des mots pas très sympathiques sans que ce soit de gros mots. Comme "chiens" "rat"... Je prends aussi quelques libertés en incluant quelques persos qui n'existent pas dans le jeu, ou en changeant légèrement le déroulement de l'histoire (en fait, lorsque dans le jeu, on est en mission) Voilou. J'espère que vous apprecierez ^^

Chapitre 1: Commencement.(première partie)

La guerre… La guerre… source de violence et de haine, source de destruction et de peine… La guerre… source de passion et d’adrénaline, mécanisme de mon éternel vengeance, de mon humanité. Sous ces épais cieux gris, lourds et assommants, deux armées s’opposent. D’un côté, l’Empire maléfique, et de l’autre l’Union, trop faible pour parvenir à supporter cette guerre. Ces deux armées, ces deux puissances, s’opposent pour une femme, une pauvre femme. Le ciel accablant, étouffant même, semble être le témoin de cette sordide scène, observant avec un regard grossier les cadavres jonchant sur le sol poussiéreux. Si ce témoin de ces meurtres y prête une véritable attention, il remarque que la plupart, sont des soldats de l’Union. Ses soldats ne parviennent pas à soutenir la différence de force, à côté de l’Empire, l’Union est à l’image de la femme, qu'elle s’efforce de protéger au prix de sacrifices : frêle, comparés à ceux de l’Empire, ses soldats restent étonnement fragiles. Moi, j’excepte à la règle. On peut le dire. Continuellement aveuglé par une rage bestiale, je me bats avec une étonnante férocité, et avec un plaisir que je ne parviens pas à dissimuler.
Mon épée s’entrechoque avec celle de mon adversaire, de ma victime devrais-je dire. Je serre les dents, et le repousse aussitôt, je tranche son corps, et je cours vers un nouveau chien à assassiner. Je ne prête même pas attention au cadavre d’un compagnon, la soif de sang me coupe du monde pour que je lui accorde un regard, une pensée. Un de ces rats m’attaque, je pare son coup, me retourne et frappe ma lame dans son échine, son sang m’éclabousse, mais là aussi, je m’en moque. Je m’élance, frappe un autre au flanc, et me dirige vers un géant. Dans un hurlement furieux, je fais tourner mon glaive au dessus de ma tête et je l’abats, il n’a même pas pu réagir. Je me retourne et attaque sans attendre un autre adversaire. Je plante mon regard haineux dans celui rougeoyant de cet homme, ou devrais-je dire pantin. Je n’ai pas l’impression d’avoir un être humain en face de moi. A peine déconcerté, le bruit de ma lame s’enfonçant dans son corps me parvient, on m’attaque aussitôt et je tue dans l’instant. Je ne retire pas mon glaive du corps, je l’observe. Les cheveux plaqués contre ma peau, en sueur, j’ai atteint depuis un moment déjà cet état de transe. Une transe dut à cette passion du meurtre, une transe dut à la haine. La haine…me pousse à vivre, et la vengeance est ma raison de vivre. Presque lassé de la faiblesse de ces rats de l’Empire, contre lesquelles mes compagnons ont du mal à lutter, je contemple le cadavre. Sans émotion, aucun autre sentiment que la haine me traverse. L’Empire… Je hais l’Empire… à un tel point, que chacun des battements de mon cœur, que chacun de mes souffles, que chacun de mes songes… se tournent inévitablement vers l’Empire. L’Empire m’obsède, mobilise mon esprit, il ne se passe pas un jour sans que je me rappelle, cet instant horrible, ce chagrin, ce déchaînement de violence… pas un jour.
Me délectant d’une joie étrange, je ne cesse de regarder le cadavre, et puis, je pousse un hurlement pénible. Je n’ai pas été assez vigilent, un de ces bâtards vient de m’attaquer par derrière. Même si ça n’a duré qu’une seconde, je sens encore sa lame s’enfoncer dans mon dos, me déchirer l’échine, je me retourne alors. Furieux, je le tranche en deux, au niveau de la taille. Le dos meurtri, haletant, je sens mes mains trembler. Le lâche m’a gravement blessé, il a touché des points vitaux, et peut-être même le cœur. Doucement, je sens mes forces me quitter. Est-ce déjà la fin ? J’en doute, un soldat de l’Union hurle, je ne comprends que le mot « château ». Je me retourne, et mon cœur rate un battement. Je fixe avec une intensité rare un de ces pantins brûler le drapeau de l’Union.
- Furiae… Fais-je, avant de m’élancer vers l’immense bâtisse.
La transe m’avait quitté dès le moment où la lame s’était abattue dans ma chair, mais maintenant que je comprends le danger que court ma sœur, cette même transe m’habite de nouveau. L’adrénaline furieuse me consume, plus une trace de lassitude ne subsiste dans mon esprit. Rien qu’une idée m’obstine: Furiae, ma sœur cadette, la déesse des quatre sceaux, Furiae… mon unique lien avec le passé. Plus je cours, plus j’ai l’impression de voir augmenter la distance qui me sépare du château, j’en ai oublié mes adversaires. Mais ça ne dure pas longtemps, un des soldats de l’Union écroulé contre le sol, me regarde, il n’est pas blessé, seulement en larme. Ce n’est pas ça qui me préoccupe, mais les pantins de l’Empire qui m’encerclent, l’un d’eux remarque l’homme ou plutôt le jeune homme à peine sorti de l’adolescence, et un sourire moqueur se dessine sur son visage. Moi, je continue de planter mon regard sur le château, l’un d’eux tire son épée, je ne réfléchis pas. Je soulève mon glaive et le décapite, le deuxième ne perd pas une seconde et avant qu’il veuille s’attaquer à moi, mon épée s’enfonce dans son cœur. Les deux autres foncent en même temps sur moi, ma lame s’enfonce dans le flanc de l’un, s’en retire et se plante dans la gorge de l’autre. Je m’apprête à courir de nouveau, mais la voix de mon compagnon m’arrête. Je baisse la tête, et remarque les larmes coulant de ses yeux clairs, glissant sur ses joues sales. Je l’entends bafouiller:
- La guerre…. C’est horrible… tous ces gens… tous ces meurtres… je ne peux…
Mes yeux qui jusque-là, étaient restés haineux pour mes adversaires, se firent soudainement incroyablement méprisants pour ce pauvre jeune homme. Agacé, et avant de partir, je m’exclame :
- Soyez impitoyable !
Je ne vois pas sa réaction, et je m’en moque. D’autres marionnettes de l’Empire m’attendent. Je n’ai que faire des faibles. Je l’oublie, et je rencontre un autre soldat de l’Union en prise avec un homme plus petit que lui, pendant que je m’attaque à un autre, je l’entend me crier :
- Votre sœur… je veux dire la déesse Furiae, est dans le château.
Comme si je ne le savais pas ! Le rat tombe à mes pieds, et fonçant de nouveau, il m’aboie :
- Sire Inuart est avec elle !
Comme si ça pouvait me rassurer ! Inuart… mon meilleur ami d’enfance, et qui aurait du être fiancé à ma sœur. Déesse des sceaux, c’est impossible. Enfant, je me battais souvent contre lui, et je connais les moindres de ses faiblesses. Garde trop fragile, hésitation à l’attaque… Je m’inquiète, la transe m’habite encore… Mais pour combien de temps ? Je sens mes forces me quitter peu à peu, mon sang couler, je vois deux cavaliers à cheval. Je pousse un hurlement semblable à une bête, tous deux foncent sur moi, j’esquive et je saisis la lance du plus grand. Tirant de toutes mes forces, je le fais tomber et tranche dans un même mouvement sa gorge, son cheval s’enfuit. L’autre m’attaque, sans peur, je fonce sur lui, son cheval à ma vue s’arrête brusquement et se lève sur ses jambes arrières. J’abats la bête, et plante mon glaive dans sa poitrine. Sans regard pour ces nouveaux morts, j'aperçois dans ma course le pont-levis abaissé. Je pousse un second hurlement de rage, et projette violemment les deux hommes qui m’opposent. Ces bâtards ! Je les hais ! Ne voient-ils pas que je n’ai pas de temps à perdre ? Deux coups d’épée, et leurs corps s’écroulent.
- Protégez Furiae…
Murmure-je en courant vers la cour du château. Je ne crois pas vraiment aux dieux, je pense que c’est seulement pour les faibles. Mais pour ma sœur… Pour Furiae, dieux ou pas, démons ou pas, j’implore n’importe qui pour sa protection, sa simple protection…
A peine rentré dans la cour du château, je m’arrête brusquement. Que dire ? Qu’une fois encore, une espèce que je maudisse s’empare de mon être ? Que la haine me dévore le cœur ? Même si, je vois un spectacle misérable ?
- Un dragon…
Fais-je entre mes dents. Oui un dragon… un dragon pourpre dans un piteux état, le corps mutilé, une épée plantée dans le cou, des flèches perçant son corps déjà meurtri. Agonisante, la bête semble attendre à chaque seconde la mort, sans aucune crainte. Déjà je sens la rage me brûler, j’en oublie la douleur causée par ma blessure, les yeux gonflés de colère, je revois le tableau du meurtre de mes parents. Un tableau… gravé dans mon esprit, je vois ce dragon noir aux yeux rouges comme le sang, tuer mes parents… le corps de ma mère allongé sur le sol, écrasé sous l’une de ses pattes, mon père dans sa gueule comme un vulgaire morceau de viande. Ce dragon noir infâme qui faisait partie de l’Empire ! Cette immondice ayant détruit mon royaume ! Je les hais ! Autant que je hais l’Empire ! Ces créatures monstrueuses ! Ces bêtes maudites !
Tremblant de fureur, je suis près de cette infamie, dans un cri féroce je brandis mon épée. Je m’arrête, mon regard vient de croiser les yeux jaunes de cette pauvre créature. Pauvre créature ? Je ne le pense pas ! Tout comme moi, ce dragon se meurt, mais jamais je ne ressentirais de pitié !
- Tue-moi si tu veux… déclare le dragon d’une voix rocailleuse, qui se révèle être une femelle. Mais mon âme restera invincible, misérable humain !
Je reste figé, mon visage se paralyse dans une expression étrange. Mélange de dégoût et de haine, ainsi que de surprise. Comment ose-t-elle s’adresser à moi de cette manière ? Je tremble… mon sang dégouline sur le sol, mes forces me quittent peu à peu. La transe se dissipe, je sais que j’en ai plus pour longtemps. Enfer ! Je veux sauver Furiae, mais je me meurs à chaque seconde, tout comme cette créature infernale. Mes traits se tordent de rejet dans l’infâme pensée que je viens d’avoir. Mais ai-je le choix ? La vie me quittera bientôt, Furiae… ma sœur… l’Empire ! Si je meurs, je ne pourrais jamais mener ma vengeance ! Je n’ai pas d’autre solution… cette idée me dégoûte, mais je n’ai pas d’autre alternative… à part celle de la mort… Étranglé dans ma gorge, les mots refusent de sortir, comme je refuse cette idée. La dragone ne me quitte pas du regard, même prêts à crever ces monstres restent orgueilleux ! Tout comme moi… dans un sens… Je prends une grande inspiration, et furieux, je m’exclame comme si je m’adressais à un chien à la créature :
- Souhaites-tu vivre dragon ?
- Quoi ?
- Un pacte ! C’est la seule solution !
- Hum… fait-elle aussitôt. Te crois-tu digne d’un pacte avec moi ?
Mes mains tremblent, mon sang se déverse, et je réponds sans attendre :
- Digne ou pas, je veux vivre… (je me sens faiblir de seconde en seconde) méprise-moi si tu veux, mais je refuse de mourir ! Ma voix se fait alors encore plus forte : Alors ! Un pacte ou la mort ?
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(Deuxième partie)

Un pacte… avec ce dragon ! Cela me dégoûte ! Cela me répugne ! Mes mains se crispent sur le manche de mon épée de, je suis furieux. Je ne m’y connais pas particulièrement en tout ce qui concerne les pactes… mais je sais que je devrais échanger mon âme avec la sienne pour sceller ce pacte… rien que cette idée me donne envie de vomir ! Et encore, le mot est faible ! Dans ce cas… est-ce que la mort me serait préférable ? Or je ne veux pas mourir, je le refuse ! L’Empire… Furiae… Ma vengeance ! Je conteste la présence de la mort à mes côtés, même si pour cela… je dois… je l’entends, la mort, me murmurer de douces paroles au creux de mon oreille, je la sais près de moi la mort, sa volonté de vouloir m’étreindre… je la repousse aussitôt, du mieux que je peux… Je lutte, je ne veux pas d’elle. Ce sont ces sales bâtards de l’Empire que je veux condamner à la mort ! Je veux être leur bourreau ! Mais pour cela… je dois survivre… et pour survivre… je dois passer ce pacte avec cette abjecte créature… Malédiction !
Mes lèvres s’entrouvrent dans mon désir de parler, cependant le bruit de pas m’indique la présence d’ennemis. Ma haine pour eux n’en devient que plus grande, c’est à cause de l’un de ces rats que je me trouve à faire ce choix horrible, je me retourne vers eux. Dans un hurlement qui n’a presque rien d’humain, je lève mon glaive et pourfend un torse, le sang m’éclabousse, souillant mes vêtements. Trempé de sueur, j’en attaque un second. Comment osent-ils intervenir à ce moment ? Comment osent-ils se mettre en travers de ma route ? Tandis qu’il pare mon coup, et que je le repousse, je leur aboie :
- Vous osez m’interrompre ? Mon glaive lui transperce le cœur, j’ajoute : Retournez en Enfer !
Je jure, ce n’est pas pour une fois à cause des chiens de l’Empire, mais à cause de ma blessure. Je sens sa présence comme si on venait de me la graver dans la chair à l’aide d’un fer rouge. J’ai mal, terriblement mal, ma respiration est saccadée, je sens la lassitude engourdir mes muscles. Ils se regroupent autour de moi, sous le regard observateur du dragon rouge qui ne dit rien. Je ne sais pas combien il y en a, je m’en moque, je les tuerai tous. Jusqu’au dernier.
- Il est blessé ! s’exclame ce qui semble être une sorte de chef.
Je suis un peu étonné, je ne savais pas que les bâtards parlaient. Cette pensée ne dure qu’un instant, car les autres ne se le font pas entendre deux fois et me foncent dessus. Je soulève péniblement mon glaive et l’abats sur le premier venu. La transe me quitte, l’adrénaline se calme, la voix de la mort se fait plus forte. Pourtant une chose ne change pas : le plaisir… le plaisir est toujours là, possède encore mon esprit. Je tranche une tête, plante ma lame dans un bras, je crois que cette subtile joie dut aux affrontements ne s’est jamais faite aussi présente. La mort qui attend mon dernier souffle, y est sûrement pour quelque chose. J’en tremble, cette sensation indescriptible est exquise. Je perds mon sang, je faiblis, mais vaillante, cette joie crée par le meurtre, reste. Elle fait partie de moi, elle constitue un des écrous du mécanisme de mon éternelle vengeance. Tandis que des cadavres tombent à mes pieds, un rictus se dessine sur mes lèvres. Le « chef » qui m’avait sous-estimé tantôt me regarde avec crainte. Je m’en étonne là aussi, cependant, mon plaisir en est comblé. Alors comme ça, les rats peuvent avoir des sentiments ? Que c’est drôle !
- Viens… ! Déclare-je d’une voix anormalement calme, cachant sans y parvenir le fond de ma pensée. Tu vas goûter à mon épée !
Le dragon relève soudain la tête, et je la sens poser sur moi un regard plein de mépris. Je n’y prête pas attention. Je laisse un ricanement m’échapper, plus la mort m’approche, plus j’atteins un plaisir d’une extrême intensité. Je ne le laisse pas prendre d’initiative, lui tranchant d’abord une main, son cri de douleur devenant pour moi une mélodie d’une rare pureté, c’est par la suite la gorge que je lui tranche. Un autre corps s’écroule, et la voix rocailleuse de la créature agonisante me lance :
- Tu vis pour tuer, comme tous ceux de ta race.
Comme réponse, une vie, si ils ont ce mérite, s’éteint. Ses paroles ne m’atteignent pas, car je sais depuis longtemps combien elles sont vérités. Son intervention me rappelle juste sa présence, et le pacte se montre de nouveau à mon esprit…Encore un meurtre…
- Passer un pacte avec un monstre semblable à celui ayant tué mes parents… Murmure-je sans que le dragon m’entende, avec amertume.
Raah ! Pourquoi faut-il que je me sente affaibli à ce moment-là ? Pourquoi faut-il que la mort vienne pour moi ? Ma blessure… j’ai terriblement mal… dans une nouvelle décapitation, je pousse un gémissement de souffrance. Le meurtre de mes parents me revint… j’accepte sa venue, et me répugne à ce choix… Je n’ai plus beaucoup de temps. En nage, je m’avance vers les derniers. J’en suis finalement arrivé à bout, et mon esprit s’embrume. Je vacille légèrement, un homme bien plus grand que moi profite de cet instant. Je pare avec difficulté, ma vue se trouble, mon cœur ralentit ses battements. Las, je suis las… Alors, poussant dans mes dernières forces, celles qui ne m’ont pas encore quittées, je hurle et le repousse. Je m’exclame avant qu’il ne revienne à la charge :
- Pas question de mourir !
Un autre hurlement, à la fois de rage et de souffrance, mon glaive s’enfonce dans son flanc. Trois autres, plus que trois autres. Je me sens proche de la mort comme jamais je ne l'ai été, comme le dragon qui m’observe, dans un état plus grave que le mien, je sais qu’elle risque à tout moment de s’éteindre. Mourir ! Jamais ! Tant que l’Empire existera, jamais je ne mourrais ! Tant que Furiae vivra, jamais ma vie ne s’éteindra ! La respiration faible, les muscles engourdis, le dos déchiré, et mon sang laissant des traces sur le sol poussiéreux, je m’élance vers le premier des derniers. Violemment je le désarme et le tue, le deuxième arrive je chancelle, mes jambes tremblent, elles ne supportent plus mon poids. Non ! Je dois tenir bon ! La créature agonisante me fixe, je le sens. Mon adversaire m’attaque, et je parviens à esquiver, puis enfonce ma lame dans sa gorge. Plus qu’un dernier, je tiens à peine debout, il le remarque d’ailleurs. J’ai des difficultés à respirer, mais mes yeux restent toujours face à ce chien, haineux. Mon glaive atteint son bras, un petit effort…
- Toujours en vie ? Me lance la voix de la bête abjecte, paraissant surprise, alors que moi je ne le suis pas. Le diable te porte chance…
La remarque m’atteint à peine, je me demande même si je l’ai véritablement perçu. Dans un ultime effort, un dernier corps tombe. Je me retourne, haletant, lassé, agonisant moi aussi. Mes jambes ne supportent plus mon poids, à tel point que mon arme sert à me soutenir. Autour de moi, de multiples cadavres gisent sur le sol recouvert du sang de mes ennemis, et sans doute encore plus du mien. Je remarque cette fois-ci les inscriptions autour de la bête, sûrement faites avec son propre sang. Elles parlent de résistance inutile…je m’en désintéresse rapidement, je m’avance vers le dragon. J’offre contre mon gré, une vision de moi-même ayant ce désagréable sentiment de pitié. Je m’arrête, comprenant que je ne puis faire un pas de plus, pantelant, la voix tremblante je déclare :
- Vite… réponds…
Bougeant légèrement la tête, la créature me fixe de ses yeux jaunes, comme je le fais moi-même.
- Un… pacte ou la mort ? Notre soif de vivre nous unit…
Je l’ai remarqué aussi, nous sommes opposés en tout point. Je suis un homme, un guerrier qui plus est, et elle un dragon. Je hais cette race, et elle méprise la mienne. Pourtant malgré ça, nous voulons vivre. Me redressant péniblement, je fais d‘une voix forte, sachant d‘avance la réponse:
- Alors ?
La créature parait pendant l’espace d’un instant hésiter malgré sa décision déjà prise. Et enfin, résigné, le dragon rouge conclut :
- Oui… un pacte…
Je plonge dans mes dernières forces, s'il m’en reste, pour mener ma main à mon cœur. Elle tremble, comme tout le reste de mon corps. A l’intérieur de moi-même, je sens une force invisible attirer ma main, mais lorsqu’elle se dépose sur mon cœur, je hurle. La douleur est atroce, jamais je n’en avais ressentie d’aussi effroyable. Je hurle, hurle à en perdre la voix. Ma main traverse mon torse, je sens être ce qui me semble pendant instant être mon cœur, s’arracher de mon corps. J’oublie carrément ma blessure. A part cette dernière souffrance qui me rapproche dangereusement de la mort, rien ne subsiste dans mon esprit. Et enfin, je sens quelque chose de chaud entre mes doigts. Une lumière jaillit de cet endroit, et tandis que le dragon fait de même, j’extirpe mon âme de mon corps. C’est une boule blanche que je vois alors dans ma main, et ma voix se tait presque immédiatement. Tremblant, je tends le bras vers la gueule du dragon qui tient la sienne entre ses crocs. Se rapprochant, elles m’aveuglent par leur lumière, et rentrent en contact. Je vois uniquement la lumière, rien d’autre, et puis plus rien. C’est-ce que je crois…
Je me sens flotté, mon esprit ne fonctionne plus. Je ne sais pas exactement où je suis, ou ce qui se passe exactement, mais je me sens flotté. C’est tout. Je ne ressens plus douleur, plus tourments, il me semble seulement qu’un vent doux passe dans mes cheveux. Mon sang s’est arrêté de couler, aucun son ne me parvient. J’atteins alors une rare sérénité, que jamais je n’avais atteinte dans toute mon existence. Soudain, une vague chaleureuse m’envahit. Je me sens bien.
Un bruit de chaîne se fait entendre, puis plus rien pendant l’espace d’une seconde.
Le cri du dragon retentit dans la cour du château, vainqueur et vivant. Sur cette monture rare, et que je hais de tout mon être. Dégoûté de cet acte, écoeuré de ce pacte que je juge contre nature, je balaye du regard la cour château et pose mon regard sur le ciel gris. Je n’ai plus aucune douleur, plus aucune blessure, même les anciennes cicatrices. Plus rien. Pendant que la créature s’élève dans les cieux, déterminée comme moi, de faire payer à l’Empire ce pacte, je constate que je suis né à nouveau.
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(Troisième partie)

Les cieux me paraissent encore plus lourds et étouffants que jamais, j’ai l’impression qu’à tout moment, ils vont m’écraser. Je perds mon regard dans cette contemplation, pas par la beauté de ce paysage qui n’a rien de beau justement, mais à cause de mes pensées. Je songe à ce que je viens de faire, que je partage ma vie avec ce monstre, que je viens de m’allier avec cette bête infernale. Le tableau du meurtre de mes parents entrave le reste. Mon cœur se serre, pas de tristesse, mais de haine et de rage. Serait-ce du regret ? Non, du remord ? Encore moins. Ce n’est que du dégoût, pour ce dragon rouge, pour ce pacte, et pour cet infâme Empire. C’est à cause de l’Empire que j’ai uni ma vie à celle de cette monture, je n’avais pas le choix ! C’était ce pacte ou la mort ! Et je refuse encore et toujours l’idée de mourir ! Je suis le bourreau, pas la victime ! Je ferais payer à l’Empire ce pacte ! Je le détruirais ! La vengeance… toujours la vengeance… mais sans vengeance, comment pourrais-je vivre ? La haine me ronge depuis longtemps, la rage anime mes gestes, la vengeance mes pensées… la joie de tuer fait battre mon cœur d’une excitation que je suis le seul à comprendre… Oui… je suis né pour tuer, comme tout être humain… sauf que j’y ajoute la passion… cette sensation est unique. Délicieuse même !
- Accroche-toi bien, nous allons les tuer jusqu’au dernier !
La voix venant des entrailles de l’Enfer de la dragonne me tire de mes pensées. Ainsi, je regarde nos ennemis qui ont décidé d’attaquer dans les cieux. Les battements d’ailes de la bête se font plus lents, et plus gracieux. Enfin, si on peut considérer cela comme beau. Peu importe… l’Empire est là, et je les tuerait ! A l’aide du dragon, ou pas ! Je fronce les sourcils, et aperçoit au loin les armes de l’Empire. Je ne sais pas exactement ce que c’est, mais on dirait des sortes d’horloges volantes, le dragon grogne et vire à droite. Je me cramponne, et voit des milliers de rayons lumineux partir en notre direction, la bête esquive de nouveau. Je découvre la sensation étrange que procure le vol. Que décrire ? Que tout observer d’en haut, procure un sentiment de pouvoir ? Que si je croyais un peu plus à ces dieux, j’ai l’impression d’en être un pendant un instant ? Elle évite de nouveau, et je serre les dents. Ne sait-elle pas attaquer ? N’est-elle pas cette créature abjecte tueuse d‘homme ? Ça m’énerve ! Encore une esquive ! Le fait-elle exprès ? J’ouvre la bouche pour lui proférer des paroles qui la ferait attaquer, mais comme si elle lisait mes pensées, elle se redresse subitement et fonce sur ces armes de l’Empire. Et là, c’est une explosion de flamme qui va en leur direction et les détruit. Mon cœur rate un battement, je ne sais pas quoi en penser. Je me sens fort, je suis déjà fort, mais disons que c’est plus que d’habitude ! Ces sales bêtes sont puissantes, je l’admets difficilement. Elle pourrait m’être utile finalement ! Serait-ce de la satisfaction ? Jamais ! Je ne regrette pas ce pacte, mais jamais je n’en serais satisfait !
D’autres monstres nous attaquent, le dragon zigzaguent entre eux, semblant s’amuser. Alors comme ça, je ne suis pas le seul à être passionné par le meurtre ? C’est pourtant ce qu’elle avait nié… ses mouvements deviennent plus rigides, elle pousse un grognement féroce, et dans une nouvelle explosion de flamme, elle détruit nos ennemis. Je scrute avec ce sentiment de joie si particulier qui n’appartient qu’à moi, les cadavres tomber sur le sol. On dirait de simples mouches, c’est amusant. Retrouvant toute sa vivacité, j’entends le dragon lancer avec triomphe :
- Aucuns humains ne peuvent vaincre un dragon ! Imbécile !
J’hausse un sourcil, vraiment ? C’est parce que les hommes ne peuvent pas vaincre ces bêtes, qu’elle s’est retrouvée enchaînée, mutilée, agonisante, battue par des hommes, dans la cour du château ? On n’a pas la même notion des choses, apparemment. Comment le pourrait-ce ? Je suis un homme, et elle une monstrueuse créature, immondice de ce monde… Pendant qu’elle plonge, elle lâche avec dédain :
- Les hommes sont bien à plaindre…
Étrangement, j’ai l’impression que cette remarque s’adresse particulièrement à moi. Pourquoi serais-je à plaindre ? Parce que je viens de pactiser avec elle ? Dans ce cas, elle est aussi à plaindre ! A moins que ses paroles veulent dire autre chose… ? Que cette haine… me… Qu’importe ! Je m’en moque ! Nous sommes deux être radicalement opposés, je ne peux m’empêcher de le remarquer une fois de plus. Différent, trop différent… je ne la comprends pas, et je ne veux pas la comprendre… je ne le peux et ni le veux… c’est certainement pareille pour elle. C’est un fait, un simple fait… mais peu m’importe… La guerre, l’Empire, l’Union qui a besoin de moi, Furiae… la vengeance, ma soif de sang ! Tout ceci est plus important que cette bête ! Je m’accroche, la créature vient de foncer sur une multitude de cubes et esquive soudainement en faisant une pirouette. Mes yeux se baissent vers le champ de bataille que je peux admirer en haut. Cette vue m’offre une vison interminable des soldats impériaux. Mon cœur se met à battre dans ma poitrine, tous ces adversaires… qui s’avancent… l’Union, mon régiment ne pourra pas y faire fasse ! Enfer ! Mais ce n’est pas cela qui me préoccupe. Rien que de voir ces rats… éveillent en moi un sentiment de frustration. Mes battements de cœur deviennent irraisonnés, des frissons parcourent mon échine, tous mes sens sont en éveil. Mon sang s’agite ! Mes pensées fusent dans mon esprit ! J’en tremble d’excitation ! Cette armée… ces soldats ! Ils m’attendent presque… ils attendent que je vienne à eux, que je tire mon glaive de son fourreau et dans un cri de rage, que je le soulève, et que dans un sourire je pourfends leur corps ! Je dois y aller ! Je souhaite augmenter le nombre de mes victimes, de tâcher mes vêtements de leur sang… le meurtre m’appelle. Je serre les dents, je discerne les silhouettes de mes soldats hésiter au combat, ils vont se faire massacrer. Le dragon plonge en leur direction, aurait-elle compris mon vœu ? Je l’espère pendant un instant, et la voit remonter, et je constate qu’elle vient d’éviter une attaque, une explosion retentit de nouveau. Le nombre de nos ennemis dans les cieux est en grand nombre. Damnation ! J’enrage, je m’énerve ! La fureur me transperce le cœur, tuer… je veux tuer ces rats… détruire… je veux tous les détruire ! Jusqu’au dernier ! Cette sale bête le comprend-t-elle ? Pourquoi ne se dépêche-t-elle pas ? Ici, dans ce ciel immense, je ne fais rien, je n’agis pas, je suis qu’un simple spectateur… c’est ce dragon qui est au pouvoir, pas moi. Frustré, je suis frustré… étrangement, le dragon s’en amuse. Qu’y a-t-il d’amusant ? Mon cœur tambourine contre ma poitrine… mon corps réclame cette soif de sang… mon esprit s’obsède face à cette armée… ce monstre infernal me fait patienter ! Quelle torture ! Elle écrase entre ses crocs trois ou quatre chauves-souris, leur sang dégouline… moi aussi, j’exige d'être le bourreau ! C’en est vital ! Un grognement se fait entendre, quoi ? Qu’est-ce qu’elle veut me dire ? Raah ! Rien à faire ! Descendre et tuer ! Je veux descendre et tuer ! Ici, je ne peux rien faire, que c’est rageant ! Je ne suis pas né pour être un spectateur de cette guerre, mais un guerrier ! Je ne vis que pour cette furie ! Je manque de tomber, la créature s’est vivement redressée et ouvre sa gueule pour engloutir d’autres êtres vivants, dans une mer de sang… elle lâche leurs cadavres, je les regarde tomber. Je ne demande qu’à faire pareil ! Je réclame cette satisfaction !
- Vaut mieux mourir que guerroyer, déclare-t-elle soudain comme réponse à cette frustration qu’elle a fait naître en moi, de façon horrible. Mieux vaut ne pas naître du tout.
Je me fige, je ne saisis pas ses paroles. La mort préférable au combat ? Cela vaut seulement pour les faibles ! Que désire-t-elle me faire comprendre ? Que la vie ne vaut rien en ce monde effroyable, accablée par la haine et la peine ? Mais je le sais déjà ! Le monde dans lequel j’ai évolué jusqu’à présent, est horrible, autour de moi, il n’y a que sauvagerie et colère… cependant, c’est tout ce que j’aime ! C’est cette violence, cette hargne, cette soif de meurtre… qui animent chacun de mes gestes ! En aucun cas j’y préférerais la mort ! Hors de question ! Ce n’est… je viens de réaliser un fait… si la mort est préférable à la guerre, cela signifie que la mort était préférable à ce pacte… je ne comprends pas ! Les dragons sont décidémment que des monstres infernaux, qui n’ont aucune conscience de ce qui les entoure ! Bête de foire pour les hommes faibles, bête abjecte pour moi… Ses paroles me hantent… je ne peux pas concevoir… Bon sang ! Ses paroles ont eu le mérite au moins, de me distraire de mon désir. La frustration remplace l’incompréhension… et… Enfin ! La créature plonge vers une masse grouillante de rats impériaux. Mon cœur cesse de battre pendant quelques secondes, dans mes yeux, je suis certain qu’on y lit un plaisir et une joie qui n’appartiennent qu’à moi. Je pose ma main sur mon arme, je vais pouvoir redevenir cet assassin… Enfer ! Qu’est-ce qu’elle fait ? Elle joue avec mes nerfs ! Je me croyais libérer de la frustration, je me trompais. Je songeais à ce glaive qui allait pourfendre des corps, je rêvais. La sale bête s’est arrêtée dans son mouvement, je serre les dents. Fulminant de rage, j’attends la suite, comme les bâtards de l’Empire qui m’observe. Puis, étonné mais pas aussi déçu que je le pensais, j’entends les soldats adverses crier de douleur, pousser des hurlements pénibles qui pour moi, sont aussi beaux que la plus douce des voix. Je ne sais pas trop quoi en juger, je ne suis pas l’assassin mais le témoin, pourtant je ne peux pas m’empêcher de me délecter de ce spectacle. Les corps des chiens brûlent, les flammes se répandent autour d’eux, j’en frémis. Pas de peur, loin de là, mais de contentement. J’avais conscience jusque-là de la puissance de ces bêtes, mais de là à envisager qu’un sentiment de délice allait se montrer… Je veux me battre ! Mais elle ne consent pas à me donner cette joie. Au contraire, elle remonte vivement dans les cieux, pour piquer vers un groupe et ouvrir grande la gueule, mon cœur tamponne ma poitrine. Douleur désagréable, mais spectacle ravissant. Les crocs du dragon perçent les lourdes armures, et atteignent la chair des soldats. Ils meurent dans une souffrance qui ne peut que me ravir, et elle écoeurée, rejette leurs cadavres sur le sol. Offensé, le dragon s’apprête à attaquer une nouvelle fois, lorsqu’elle vire à gauche. Sur le moment, je me questionne, mais répond face aux flèches tirées par les arbalétriers. Elle en évite une multitude, et s’oblige à atterrir en écrasant des ennemis au passage. Ne prêtant aucune intention à ce qu’elle en pourrait dire, je descends immédiatement. Mon esprit perd toute raison, je suis dans mon élément ! L’exquise sensation de transe s’en empare, je dégaine mon glaive et fonce dans la masse de soldats. Le dragon quant à elle, pousse un rugissement que je perçois à peine. Je ne pense plus à rien, pratiquement. Je soulève mon épée, et décapite avec délectation un adversaire plus grand que moi. Je tranche le bras à un autre, le sang souille mes vêtements, tâche ma peau. Je commence déjà à sentir la sueur glisser sur ma peau. Vivant ! Je me sens vivant ! Ha ha ! Que c’est bon ! Que c’est agréable ! Trois pourritures de cet Empire que je maudis de toute mon âme, m’attaquent sans attendre. Un sourire fend mon visage, ce qui ne les décourage pas pour autant. Ma lame fend l’air, et je m’étonne moi-même. Les trois soldats sont aussitôt projetés à des mètres plus loin. Je ne me connaissais pas pareille force. Le dragon rugit, et je me tourne un instant en sa direction. Pas le temps de réfléchir davantage, nouvelle offensive. Le corps tombe là aussi plusieurs mètres plus loin. Je me savais plus fort que les autres, suffisamment en tout cas pour vaincre des soldats alors que je jouais moi-même contre la mort. Mais à ce point ! A moins que… le pacte ? Cette puissance nouvelle me vient de ce pacte ? De ce pacte contre nature et qui me dégoûte au plus haut point ? Héhé… autant en profiter ! Je plante mon regard incroyablement arrogant et méprisant sur ces vilenies. Ma vengeance n’en sera que plus savoureuse ! Oui… j’apprécie le pouvoir et la puissance qu’il confrère… je ne le nie pas, je l’admets haut et fort ! Le clame ! J’aime ce sentiment que cela me procure… j’en frémis, j’en tremble… Jamais auparavant je n’avais atteint pareille force… quoique… si, mais seulement lorsque ma haine avait été à son paroxysme ! Car c’est avant tout de cette hargne intense… de cette profonde et meurtrière haine… que je tire ma force ! L’amertume d’une tristesse que je me suis efforcé d’enfermer au fond de mon cœur, que je me suis forcé à oublier… un hurlement déchire mes tympans. Le pouvoir que j’ai obtenu, cette force démultipliée… tout ceci m’obsède ! J’en oublie le dragon qui balaie les airs de sa queue. Plus rien… oui… plus rien… n’a plus d’importance que cet instant… que ce plaisir… cette transe dans laquelle je rentre doucement… cette force ! Mon esprit ne s’en délivre pas ! Il le refuse même ! Ha ha ! J’en tremble d’excitation ! Ces corps qui tombent autour de moi… tous ces pantins impériaux qui viennent à ma rencontre pour perdre la vie… toutes ces victimes ! La couleur du sang… si belle et si rouge… en voir plus… je veux en voir plus… ! Un assassin, je ne suis qu’un assassin, et ça me plait !
-… Ils sont trop forts !
Forts ? Ces bâtards ? Pas pour moi ! Rictus aux lèvres, je fonce dans la masse. La simple idée que ma nouvelle force me permet d’augmenter inlassablement le nombre de mes victimes, m’enflamme. Je brûle d’une haine pure… mes parents… ce pacte… ce dragon… cette force ! Ces meurtres ! Rien n’existe plus autour de moi, à part cette soif sanguinaire. Cette rage barbare m’emporte dans un autre monde. A tel point, que je n’entends plus la voix de l’un de mes soldats me crier :
- Les soldats de l’Empire se regroupent autour du château ! Maître Caim… ils veulent la déesse ! Maître… Caim ? Répondez-moi !
Inutile, c’est inutile de m’appeler. Je suis dans mon monde à moi, pas si différent de cela-là. J’ajoute seulement de la joie au meurtre, des gouttes de sueurs coulent lentement sur ma peau. Mes mains se resserrent davantage sur mon glaive. Un nombre incalculable de cadavres jonchent maintenant le sol, le dragon pousse un grognement qui pourrait signifier de la colère. Je ne parvins pas à y apporter mon attention. Je n’en ai aucune envie. Je passe devant deux ou trois de mes soldats qui semblent avoir cesser le combat, je ne leur accorde aucun regard. Eux en revanche, me fixent. Le plus jeune, celui de tantôt, blêmit en voyant mon sourire. Apeuré, il tente de m’appeler, de me rappeler pourquoi je suis ici. Inutile et risible, l’allégresse procurée par l’adrénaline et la force me rend sourd. Je distingue maintenant que l’immense silhouette du dragon, et plante ma lame dans la jambe d’un soldat ennemi que je viens de faire tomber au sol. Le dragon rugit, ses crocs perçent les corps d’adversaires, elle aussi tient sa vengeance sur ce pacte. Puis, pousser par la hargne, je pourfends, je tranche, je mutile, je décapite, défigure, avec joie. Je ne vois rien d’autre que ces cadavres, et les nouvelles victimes. Rien d’autre, pas même le dragon qui s’envole et brûle des ennemis, pour finalement venir à moi. Elle rugit, le dragon, elle grogne de mécontentement, qu’importe ! Je ne comprend même pas que l’Empire a des renforts, enfin disons que je ne vois que les victimes nouvelles… je ne m’aperçois même pas que les rats se regroupent autour du château. Peut-être est-ce la raison de la venue du dragon ? Ça n’a aucune importance ! Je m’élance, je soulève mon glaive et j’attaque, le sang se montre à moi, je me retourne et assassine. Je tremble de plaisir, m’apprête à tuer de nouveau quand la créature s’impose à moi. La sale bête vient de me voler ma victime ! Je plante mon regard arrogant dans ses yeux jaunes et me tais. Je sais qu’elle comprend mon mécontentement, puis me retourne. D’autres chiens m’attendent ! Nouvelle intervention, nouveau regard haineux. Je serre les dents, mes yeux se remplissent de mépris à son égard. Elle me le rend, me juge comme si je ne représentais qu’à ses yeux, un insecte agaçant dont elle ne doit pas malgré tout, se séparer. Qu’est-ce qu’elle veut ? Qu’elle me laisse me battre !
- C’est sans fin… déclara-t-elle alors, repoussant quelques ennemis. Je les brûlerais tous !
Et alors ? Qu’est-ce que ça peut me faire ? Si elle désire les brûler, qu’elle le fasse ! J’ai autre chose en tête, j’ai ma rancune bestiale à combler. Pourtant, elle ne me quitte pas des yeux, irrité je me retourne et elle grogne. Ha ! Parce que pour calciner des pantins de l’Empire, elle a besoin de moi ? La créature me quitte alors des yeux, et les balaie derrière moi. J’en fais de même, mon sourire qui avait dés son intervention disparut, recommence à s’étirer. Des renforts… je n’en demandais pas tant ! Rugissement cette fois. Quoi ? Tendant son cou en ma direction, le dragon montre ses crocs. Je ne dis rien, et elle non plus. J’ai l’impression que m’adresser la parole, lui est fortement coûteux. C’est réciproque. Telle infamie ne mérite pas que je me fatigue à parler avec elle. Ses yeux jaunes se font plus durs, je sais ce qu’elle désire, mais s’en est hors de question. Je ne veux pas reconnaître ce sentiment de frustration ! Jamais !
- Maître Caim ! L’Empire pénètre dans le château ! Venez vite !
Enfer et damnation ! Furiae !
« Furiae ? »
Je sursaute, et oublie aussitôt cette voix qui vient de raisonner dans mon esprit. Je m’élance vers le château, et la créature infernale me barre la route. Pas le temps de discuter, Furiae… comment osent-ils pénétrer dans mon château ? Que faire ? Continuer à me battre pour la sauver ? Mais le temps que je tue à moi seul cette armée entière, Furiae se fera enlacer par la mort ! Inuart est avec elle… Il ne fera jamais le poids contre l’Empire. En toute réponse, je tranche une tête qui se met à rouler sur le sol, furieux, je rengaine mon épée. Je fulmine de rage, et le dragon s’envole dans les airs. De la haut, je constate que l’Empire a décidé de s’emparer de ma sœur, une bonne fois pour toute. Malédiction ! Dégoûté, mais pas résigné pour autant, j’observe chaque mouvement du dragon. Obliger de me tenir à l'écart du combat. Je l’injure, et freinant, elle crache une mer de flamme comme réponse. Visiblement, coléreuse, elle aussi. Ainsi donc, ces rats ne sont pas assez digne d’elle ? Ha ! Comme s’est drôle ! C’est pourtant ces mêmes rats qui l’ont enchaînée ! En un temps record, elle fait le tour du château, elle aussi animée d’une force qu’elle explore. Les soldats de l’Empire hurlent péniblement, leurs corps disparaissent dans une mer de flamme. Je me demande bientôt si elle fait la distinction entre mes soldats, et ceux de l’Empire. Peu importe, il faut qu’elle se dépêche ! Furiae est en danger ! Ma sœur… ma petite sœur… elle ne peut pas attendre ! Je m’irrite par son manque de rapidité, et soudainement, le dragon s’élève haut. Trop haut, elle prend, il me semble, une grande inspiration. Un déluge de flamme s’abat sur les pantins de l’Empire. Les cris de nos adversaires agitent davantage les battements frénétiques de mon cœur. Les flammes, avides, dévorent les corps avec entrain. Le dragon lui aussi a une certaine puissance, je suis forcé de l’admettre. Après tout, quoi de plus normal venant d’une de ces sordides bêtes de l’Enfer ? Un frisson cour sur mon échine, malheureusement pour moi, devant ces hurlements agréablement doux à mes yeux, la transe se dissipe ainsi que mon plaisir. Ces sentiments hargneux, laisse place à la frustration. En simple spectateur, je ne peux pas apprécier pleinement ce combat. Je ne peux qu’observer le dragon déverser un feu vengeur sur les pantins impériaux. Ce n’est pas le moment d’y songer ! Un autre point occupe mon esprit ! Je suis inquiet, Furiae… je supplie le ciel de faire en sorte qu’Inuart parvienne à se débrouiller… tout au moins, jusqu’à ce que je leur parvienne. Mon ami est faible, anormalement faible, comme qui suis anormalement fort. Ce n’est pas un guerrier, lui… Bon sang ! Le temps presse ! Pourquoi cette créature ne se dépêche pas ? Raah ! Comme écho à ce souhait, ses ailes s’agitent avec plus de rapidité, son rugissement se fait plus rauque. Elle déverse des flammes dévoreuses d’hommes, de pantins plutôt sur nos ennemis. Je les contemple, parcourent mes yeux au loin, on y est presque… j’en vois le bout. Malgré tout, je ne peux nier un plaisir certain à voir ces bâtards périr sous les flammes. Plaisir… certes… mais autant quand j’en suis l’acteur ! Le bourreau, devrais-je dire. Je dois me ressaisir ! Ce n’est pas le moment ! Furiae… ma douce petite sœur a besoin de moi ! Dans un battement d’ailes rigides, ma monstrueuse monture s’élève une dernière fois dans les cieux. Anéanti dans une mer de flammes le reste de nos ennemis, et je vois le château envahit par ces charognes. Je les maudis ! Enfer et damnation !
- Les forteresses des hommes sont de vrais châteaux de sable…
Je serre les dents, j’essaie de lutter en vain contre l’amertume des paroles du dragon. Vérité, elles ne sont que vérité terrible… l’Empire est parvenu malgré moi, malgré mon régiment de soldats à briser nos défenses. Ces pourritures se battent comme des démons… qu’ils aillent ainsi aux diables ! Ils grouillent dans la cour du château, je me cramponne. Elle s’apprête à atterrir, la haine m’aveugle. J’en oublie pendant quelques instants ma sœur. Dans un cri, elle atterrit en prenant un soin certain à écraser les impérieux, je n’attends pas, je saute presque en descendant de ma monture. Furieux, je m’élance vers l’entrée. En abattant des adversaires au passage, elle fait de même, bientôt il n’en reste plus. Mes mains se crispent, je serre les dents, mon cœur bats fort. Furiae ! J’arrive presque à mon but, et ralentit. Après une telle course, j’aurais du être normalement totalement essoufflé, mais ce n’est pas le cas. Je suis conscient que même si, beaucoup de vilenies ont été tués, il doit sûrement en rester. Le dragon ne me sert plus à rien, qu’elle s’occupe à exterminer les survivants. Avant de franchir le seuil, je me retourne et lui fait part de cette idée, de cet ordre plutôt.
- …?
Hein ? Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? Ma voix ? Je ne peux plus parler ! Comment diable… pour quelle raison… Est-ce l’effet de ce mutisme dont je viens de faire preuve avec la créature ? A moins que…
- Oui, tu as perdue ta voix, un maigre prix au regard de ce que tu obtients.
Malédiction ! Cet odieux pacte avait un prix ? Bon sang ! Ma puissance, comme je l’ai remarqué, s’est décupée, et ma voix a été perdue. Pourquoi dois-je payer ce prix ? Comment ça « maigre prix » ? Elle ose se moquer de moi ! Bon sang !
- Peu importe, continue-t-elle pour ma plus grande rage, dorénavant je parlerais pour toi.
Tss ! C’est bien ça qui m’inquiète ! En même temps, je ne vois pas ce que je peux faire d’autre à par maudire. Après tout, devenir muet n’est pas si problématique. J’ai acquis une puissance qui m’élève au rang de surhomme ! Furiae passe aussi avant ce problème, une fois sauvée, j’aurais tout mon temps de m’énerver… les soldats de l’Empire sont là pour cela d’ailleurs. Résigné, mais furieux, je vais pour pénétrer dans le château lorsqu'elle m'interrompt de nouveau :
- Seul dans le château ? Bien, je t’attendrais ici.
Elle aurait du se taire ! Sa présence seule suffit à alimenter ma colère ! Pourquoi n’a-t-elle rien perdue, elle ? Parce que c’est une créature et non un être humain ? Raah ! J’enrage, je ne lui fais aucunement confiance d’ailleurs. Ces monstres sont barbares et sanguinaires, si jamais lui venait l’idée de s’attaquer à mes hommes… ou bien à moi, après tout, cette coopération la dérange tout autant que moi… je n’hésiterais pas à l’abattre ! Tout en lui lançant un regard haineux, je brandis mon épée en sa direction. Furieux, je suis furieux… je me dis que gagner la puissance en échange de ma voix, n’est pas si terrible… mais le fait que cette bête infernale ne perde rien, m’enrage !
- Si tu meurs, j’en serais vite avisée, répond-elle à ma provocation muette se lisant toutefois dans mon regard d’assassin. Ta vie, est désormais la mienne.
Je fulmine ! Je risque certes rien, mais pourquoi dois-je partager ma vie avec la sienne ? Je constate avec hargne, que je serais obligé de la supporter jusqu’à ma mort. Enfer ! Mourir si cette bête meurt, mourir si ce monstre… cette immondice telle que celle ayant tué mes parents… meurt, je mourrais aussi. Ça m’est insupportable, mais je n’y peux rien, malheureusement. Ma haine enveloppe mon esprit, je ne vois plus rien au de là de cette répugnante réalité. J’en tremble de fureur, et hanté par le tableau du meurtre des mes parents, je m’en vais à l’intérieur. Décidé à m’énerver plus, le dragon conclut:
- La haine ne résout pas tous les problèmes.
Peut-être, mais elle en résout une grande partie. Sur ce, je pénètre enfin à l’intérieur du château.
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Monnlight
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Message par Monnlight »

(Quatrième partie)

- Dame Furiae est en haut ! Dépêchez-vous, maître Caim !
Comme simple réponse, je jette un regard sombre et méprisant à cet interlocuteur, qui m’apprend une chose que je sais déjà. Ce château, je le connais par cœur, ainsi que ma sœur, je sais par ailleurs où elle se trouve. Je constate l’étendue des dégâts, je pensais que ce n’était qu’un nombre infime de l’armée impériale qui se trouvait ici, je me trompais. J’ai plutôt l’impression de voir au moins la moitié de l’armée adverse. Furiae ! Mon cœur se serre, pourvu qu’elle n’ait rien… pourvu qu’Inuart parvienne à la garder en vie jusqu’à mon arrivée. Je m’élance alors, courant le plus rapidement possible. J’étudie mes capacités physiques plus développées à présent. Tout défile à la vitesse d’un éclair sous mes yeux. L’assassin enragé que je suis, soulève alors son épée et l’abat sur trois ennemis en même temps. Cette force surhumaine, me rappelle à mon grand désarroi, ma voix que j’ai perdue ! La fureur ne se calme pas, au contraire, à la vue de ces soldats infernaux, elle s’anime d’une rare violence. Pourquoi l’humain doit-il sacrifier une partie de son être ? Et la créature, non ? C’est injuste ! Dans un cri de rage muet, des cadavres tombent. J’ai connu beaucoup d’injustice dans mon existence. La perte de mes parents… (Nouveau cri bestiale muet) ma sœur devenue déesse… mon royaume détruit… ce pacte ! Il faut qu’en plus je subisse ça ! A cause de ces charognes de l’Empire, de ces infâmes bouffons ! L’idée de ne plus pouvoir communiquer avec qui que ce soit m’irrite. Comment ferais-je pour communiquer des ordres à mes soldats ? Et ma sœur, comment pourrais-je la rassurer sans ma voix ? Ah oui, le dragon s’en chargera, cela m’inquiète. Encore preuve de ma confiance aussi profonde que le vide envers ce monstre. Privé de ma voix, est-ce que mon plaisir de combattre s’atténuera ? Je ne pense pas, mais il m’est étrange de ne plus faire preuve d’arrogance pour mes ennemis. Je ne peux plus leur proférer des injures, je ne peux que les penser.
« Même à distance, ceux qui ont passé un pacte peuvent communiquer… »
Dit une voix rocailleuse raisonnant dans ma tête. Je serre les dents, enragé, j’assène un coup fatal. J’aperçois l’étage supérieur. Il faut que la bête vienne pourrir mes pensées maintenant ! Bon sang ! J’aurais préféré que ce ne soit pas le cas. Je me défoule en tuant un soldat ennemi.
« La voix ? C’est un peu comme de la télépathie… »
Vraiment ? Je n’avais pas remarqué ! J’accours vers l’escalier, tandis que d’autres me coursent. Cette… télépathie. Ne me plait pas ! J’ai l’impression qu’elle viole mon intimité. Je pousse un hurlement, enfin était censé pousser un hurlement, aucun son ne franchit mes lèvres. Je répugne l’idée qu’elle puisse connaître mes pensées… quoique… au moins, elle ne sera pas déçue, la sale bête ! D’un coup de pieds placé dans le ventre, j’en fais tomber plusieurs pendant que d’autres reviennent à la charge, je les repousse et leurs cadavres s’écroulent dans les marches. Au loin, j’aperçois le plus jeune de mes hommes, terrorisé, comme tantôt. Le gamin (car je le considère comme tel) me regarde puis s’applique à l’art de la guerre. Je monte les dernières marches à une vitesse hallucinante, ces rats ! Combien sont-ils à nous envahir ? Autour de moi, il n’y a qu’eux, à part deux autres soldats de l’Union, je leur fais face, seul. Je croise leurs yeux rouges comme le sang, dénué de toute vie. Des pantins… ce ne sont que des pantins… sont-ils véritablement humains ? Je n’arrive pas à le savoir. Peu importe, Furiae !
- En avant… dit d’une voix monocorde un des chiens. La déesse des sceaux… est la haut…
Aussitôt, aveuglé par la haine, refusant la mort probable de ma frêle sœur, je fonce sur lui et le coupe en deux. Je m’attaque aux autres, sans relâche. Mon glaive bat l’air autour de moi, en sueur, j’exécute des mouvements fluides et puissants, possèdé par la rage, je les abats. Bientôt, il ne reste pratiquement plus des soldats. Inuart… protége Furiae ! Protége ma sœur !
« Inuart… et Furiae ? »
Ne sait-elle donc jamais se taire ? J’accours vers une autre partie du château, un rugissement rocailleux se fait entendre. Malgré mon envie de ne pas lui répondre, je le fais. Je me défoule sur les charognes à la place.
« La déesse est ma petite sœur, Furiae… Inuart mon ami d’enfance… »
C’est tout ce que je lui communiquerais comme information. Je suis à l’étage supérieur, et par-dessus, j'aperçois ces saletés d’envahisseurs en bas. Le gamin tente en vain de se défendre. Je me moque de son sort, je fonce sur mes ennemis. Ma lame se lève et s’apprête à goûter au sang d’un grand pantin, il pare mon coup. Les yeux gonflés de rage, j’y mets tout mon poids. Son regard semblable au sang ne me fait rien. Et pourtant, il me dévisage, articulant des mots :
- Notre… serment…
Je m’en moque de ton serment sale chien ! Muettement, je hurle et le repousse, il tombe à l’étage inférieur. Dans la cohue, je n’entends même pas ses os craquer. Je poursuis ma route, les écoutant malgré moi prononcer le mot « déesse » ou « sceau ». Des charognards, ce ne sont que des charognards désirant mettre la main sur ma sœur ! Je les en empêcherais ! D’autres corps passent par-dessus le balcon, d’autres tombent et se font piétiner. Mon pied heurte un casque roulant sur le sol... Tandis que m'apprête à hurler, je pouvais ressentir l'inscription de ce pacte maudit sur ma langue, la marque honteuse de mon alliance avec une représentante de cette race que je hais tant. Je serre les dents. Je continue, et j’y suis presque arrivé.
Je continue, et j’y suis presque arrivé. Je fonce sur les deux géants me barrant la route, le premier ne supporte pas la puissance de mon assaut et s’écroule. Le second laisse tomber son immense bouclier que je viens de fendre. Il meurt, je parviens presque à mon but. Plus qu’une salle, et Furiae sera sauve. Je les vois ! Ces immondices ! Ces ignominies ! Ces abjections de l’humanité ! Des charognards ! Ce sont que de vulgaires charognards ! Damnation ! Prit d’une rage encore plus violente, sombrant dans une rare démence. Atteignant un degré de folie meurtrière que j’ai rarement atteint, je fonce sans réfléchir. La pensée de les tuer m’anime. Un… deux… trois… voir quatre… s’écroulent en même temps. J’en attaque d’autre. A moi seul, j’équivaux à une armée entière. Bien ! Venez charognes ! Venez abjections ! Ça ne fera pas mal… fou, je suis devenu complètement fou. Les tuer, c’est tout ce qui m’importe. Les tuer et sauver Furiae ! Raah ! Mon regard de détraqué se pose sur chaque nouveau cadavre. L’un perd un bras, l’autre une jambe, et un autre la tête… D’un coup d’épaule, j’en fais tomber. Et enfin, je perçois une voix familière hurler :
- Arrêtez !
Inuart ! Il semble être pris au dépourvu, quelques mètres à franchir et je pourrais peut-être les apercevoir.
- Furiae !
Idiot ! Tiens encore quelques minutes ! Malédiction ! Je bondis presque, mon glaive ne devient qu’un mouvement brassant l’air, créant autour de moi une pluie de sang. La transe m’habite, possède mon esprit, me le fais perdre ! La névrose, je suis tombé dans la névrose. Une lueur d’espoir perce la voix de celui qui en a plus, lorsque mon ami entend les hurlements pénibles des soldats de l’Empire :
- Caim !
Je suis là ! J’arrive ! Protège Furiae ! Ai-je envie de crier, sans pouvoir le faire. Je regarde rapidement autour de moi, il n’y a que cadavres, corps meurtris gisant sur le sol. Je cours avec une énergie aliénée, les soldats avec qui Inuart était en prise, changent de cible et foncent sur moi. Eux aussi, comprennent que je suis leur véritable obstacle. Pourritures ! D’un coup, du sang giclant d'une gorge me trompe la vue d’une épée levée.
« Attention ! »
Tss… l’opposant perd un bras et je l’achève. Plus qu’un. Mes lèvres bougent dans des insultes mais ne les émettent pas. Mon glaive se soulève, il pare. Bâtard ! Je t'aurais ! Je le pousse, c’est que les rats si près du but se défendent ! Sous les yeux de ma douce sœur, et de mon ami d’enfance, je parviens à le faire tomber. Sans attendre, je plante mon épée dans son cœur. Je la retire immédiatement. Leur faire payer ! Je la replante, je les hais ! Comment osent-ils s’attaquer à Furiae ? Qu’est-ce ces charognards veulent d’elle ? Je retire ma lame, hurle muettement, la plante encore. Je répète le geste plusieurs fois. La rage m’aveugle totalement. Saleté ! Infamie ! Monstre ! Vilenies ! Pourriture ! A cause de… j’ai passé ce maudit pacte ! Avec ce dragon ! Ce monstre tueur d’homme ! J’ai perdu ma voix ! Mes parents… ! Pourquoi les avez-vous tués ? Hein ! Répond ! La haine me déchire le cœur, la rage le dévore, la rancune me consume ! C’est insupportable, tout m’est insupportable.
- Caim ! Me crie Inuart, qui a pour effet d’arrêter mes gestes répétés. Ça suffit, il est mort.
Pendant quelques secondes encore, je reste la lame suspendue au dessus du cœur du cadavre. Je tremble de rage, peu à peu, j’essaie de me calmer. Me redressant, je croise le regard de Furiae, rien ne se lit sur mon visage, mais je suis soulagé. Par ailleurs, je perçois dans le sien, des sentiments contradictoires, la crainte mêlée à l’adoration ? Pourquoi de l’adoration ? Mes yeux changent de cible et se posent sur Inuart, apparemment choqué. Je sais qu’il fixe le cadavre dégoulinant de sang, dégoûté par ce spectacle, il lâche :
- Toujours cette rage sanguinaire. Je continue de le fixer, observant chacun de ses trais, ils se durcissent dans une amertume que je connais. Mais tu m’as encore sauvé la vie.
Je tressaille, mes mains tremblent toujours. J’essaie de les oublier, d’oublier cette rage aveugle. Sa vie… et celle de ma douce sœur… le pacte ! Je m’empresse de parler, d’expliquer ce que j’ai fait, que… la réalité me rattrape, j’ai beau y mettre une farouche volonté, mes lèvres bougent sans émettre le moindre son. Perplexe, Inuart échange un regard avec Furiae qui est anxieuse. Malgré tout, je renouvelle ma tentative, sans résultat.
- Caim ? Me fait Inuart s’inquiétant à son tour. Tu as perdu ta voix ?
Mes lèvres se referment avec indignation, profondément amer, je fais non de la tête. Sous leur regard intrigué, je tire ma la langue. Ma sœur sursaute, mon ami fixe avec une sorte d’horreur qu’il tente de contenir le sceau gravé sur ma langue, le sceau qui emprisonne ma voix.
- Un… pacte ? Articule difficilement Inuart.
J’approuve, non sans répugnance. L’expression de stupeur de Furiae passe à une passion vénérée, et celle d’Inuart à un profond désespoir. Détourant ses yeux de moi, comme si ma vue le brûlait, il change abruptement de conversation, comme pour maintenir l’intention sur lui, pour faire oublier ce qu’il vient d’apprendre :
- Nous ne sommes plus en sécurité ici. J’acquiesce d’un mouvement de tête, et continue de l’observer, ne prêtant pas intention à l’insistance qu’à ma sœur, à contempler mes traits pour le moment inexpressif. Je souhaite amener Furiae au village des Elfes, reprend Inuart en baissant les yeux sur le sol. C’est un territoire neutre, les forces de l’Empire ne viendront pas nous chercher là-bas.
Je ne peux qu’être en accord avec lui, la neutralité des Elfes pourraient selon toute vraisemblance repousser l’Empire.
Voir la facilité que ces rats ont eu à pénétrer dans le château m’inquiète et m’irrite. L’existence des Elfes en sera perturbée, mais je m’en moque. Furiae est plus importante.
- Quitter le château est risqué, mais nous n’avons pas le choix. Continue Inuart, tandis que je me sens dévorer des yeux, ce n’est qu’une impression sans doute. Furiae est la déesse des sceaux, et je fus son promis. Je soupire en silence, attrister du sort de l’amour de mon ami pour ma petite sœur, j’aurais tellement préféré les voir s’unir ! Comme écho à cette pensée, Inuart s’exclame : Je dois la protéger !
Mais il n’y parvient pas, trop faible malheureusement. Malgré sa volonté, Inuart ne restera qu’un gringalet chétif comparé à moi, ceci me désole. Il lance :
- Et toi Caim ? La considères-tu toujours comme ta sœur ?
Rien ne se peint sur mon visage, mon cœur se serre. Je n’ai pas de réponse précise. J’ai conscience de ce que Furiae est, à savoir la déesse des sceaux de ce monde, mais jamais… je ne pourrais la considérer autrement que comme ma petite sœur. Ma tête commence à désapprouver, pour finalement approuver. Furiae baisse les yeux. Je la regarde, tandis qu’Inuart nous examine tous deux. Déesse des sceaux ou pas, Furiae est ma famille. Dans un désir d’attirer l’intention de son ancienne promise, il tire une chaise et déclare avec un sourire :
- Célébrons cet instant.
Harpe en main, il s’assoit. Furiae immédiatement, contemple le jeune homme. Presque immédiatement, un sourire s’étire sur mes lèvres. Ce n’est pas le rictus bestial des combats qui tord mes traits, mais un sourire chaleureux qui se dessine.
- Ta chanson préférée ?
Doucement, les doigts du jeune homme parcourent la harpe, caressant les cordes, une douce musique s’en produit. S’ensuit une voix mélodieuse narrant une histoire merveilleuse. Furiae ferme les yeux, détendue. Je me rapproche d’elle, ma main atteint son bras. Et je sens sous mes doigts sa peau se réchauffer, et une vague de chaleur intense l’envahir lorsque ma main s’y dépose plus franchement. Inuart tout en faisant parvenir jusqu’à nous des notes subtiles, augmente par sa volonté la beauté de sa voix. Pendant un instant, mon âme est apaisée.
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